vendredi 28 février 2025

Vivre : sur la bonne voie

 

 
Le soir tombe. Les oiseaux expirent.
Laisser se dérouler les heures.
Lentement sentir le lac s'assoupir.

 

jeudi 27 février 2025

Lire : quantité vs qualité

 

 
Liu Ye / Books on Books / Biennale Venise / 2017

Il y en a qui disent "50". Il y en a qui se proposent "100". On en voit même qui veulent atteindre les "300". On se demande : Pourquoi parler de ses projets de lecture en chiffres ? Où est le plaisir ? Quel est l'objectif ? Depuis quand la lecture est-elle soumise à un rendement annuel ? Intégrera-t-elle bientôt le CAC 40 ? En bout de course, où donc s'en iront ces lectures ? qui vont-elles enrichir ? Et si un livre, un seul, pouvait suffire ? Et si un seul livre pouvait vous donner l'envie de le lire et le relire ? Devrions-nous être navrés parce que ce livre nous aurait retardés ? Petits hamsters nous voici condamnés à consommer consommer consommer même ce qui pourrait nous inviter à grandir ou à penser...
 

mercredi 26 février 2025

Vivre : sortir de l'hiver

 
Los Santos Juanes / Rafael Moger / Museu de Mallorca / Palma
 
Prendre le temps de la lenteur. 
Oser s'adonner au bonheur 
du presque rien. Sur la table, un reste de pain. 
 

mardi 25 février 2025

Vivre : elle n'arrête pas, mille soucis et mille tracas

 
Statuette / Museo Archeologico / Taranto

 
Toujours en mouvement, toujours en retard, sans elle, c'est sûr, tout irait de travers. 
Petite souris remontée à tourner, elle a trouvé son identité dans son taux d'activité. 
 

lundi 24 février 2025

Vivre : liberté en société

 
pensieri di foglie / 2014 / giuseppe penone / fondazione Ferrero / alba / 2025
 
comparaison n'est pas raison, certes non,
mais si comparaison n'est pas inspiration
comparer peut trahir une forte dévalorisation
 
 

dimanche 23 février 2025

Habiter : céder la place

 

 
Depuis que des citadins nantis ont trouvé cette région à leur goût, les prix de l'immobilier ne cessent de grimper. Il ne se passe pas une semaine sans un courrier d'agents plus ou moins inspirés, affichant des costards de circonstance sur papier glacé pour inviter à vendre par leur intermédiaire. Certains se frottent les  mains. D'autres, plus prudents, pensent à l'effort auquel devront consentir leurs enfants et petits-enfants s'ils veulent rester dans la région. 
Elle observe le phénomène de loin et parle du petit chalet, acheté juste avant la pandémie, avec son mari qui luttait déjà contre sa maladie. Il voulait croire en sa chance et se dessiner un bel avenir. Ils avaient eu un coup de cœur pour la vue époustouflante au soleil couchant, pour le poêle à l'ancienne et la terrasse que le crépuscule inondait de lumière ambrée. Alors ils s'étaient mis sur les rangs, son compagnon avait écrit une lettre dans laquelle il disait combien le lieu les charmait. Mais ils avaient eu affaire à forte partie. Des Allemands fortunés étaient arrivés et, surs de leur dossier, avaient dégainé un chiffre insensé. L'épouse s'était mise à inspecter les pièces comme si elle se trouvait déjà en territoire conquis. Elle arpentait les lieux en notant dans sa tablette tout ce qui devrait être refait (la liste était longue : cuisine, vaste salon, sauna, home cinéma). 
Il arrive parfois des miracles. Le vendeur s'était senti offensé par la Teutonne qui entendait tout modifier. Il vendait un bien qu'il avait mis des années à restaurer. Il devait vendre, mais il y restait attaché. Les vœux germaniques n'ont pas été exaucés. Maintenant, c'est là-haut qu'elle part tous les vendredis soirs. Elle aime y arpenter les sentiers accompagnée de son chien. Quand tombe le soir, elle pense à celui qui reste plus que jamais présent. Je crois qu'elle a besoin de partir là-bas parce c'est là, face à la chaîne alpine, qu'elle le retrouve vraiment.
 
 

samedi 22 février 2025

Vivre : à la recherche du trésor perdu

 
L'ombre de la barque / Joaquin Sorolla / Musée Sorolla / Madrid
 
 Tout à coup, dans le ciel couvert, une boule blanche a surgi et avec elle nos silhouettes sur l'asphalte gris.
J'ai pensé alors à l'ombre et à la lumière, ces deux trésors que nous chourave le brouillard. 

vendredi 21 février 2025

Vivre : angle vivant

 

 
Garder toujours dans son rétroviseur
un point vers lequel porter son regard 
un point précis inondé de lumière
 

 
 
 

jeudi 20 février 2025

Vivre : des baleines au Jura

 
Lac des Taillères / 2019

Hier, la vallée de la Brévine jouissait d'une matinée d'ensoleillement exceptionnel alors que le Plateau restait encore masqué sous une strate de brouillard implacable. Le lac était recouvert d'une bonne vingtaine de centimètres de glace. Un patineur le sillonnait de part en part. Sa silhouette fine rappelait la chanson de Roda-Gil et Julien Clerc. C'était émouvant. C'était calme. Pas un chat, rien que le patineur dont on percevait le bruit des lames quand il s'approchait. A un certain moment, R. m'a demandé si j'entendais. A vrai dire, je percevais un son étrange, comme un appel langoureux dont je ne réussissais pas à identifier l'origine. C'était le chant du lac. Un phénomène qui, ai-je appris par la suite, est somme toute assez rare, parce que diverses conditions météorologiques doivent être réunies. Il y avait quelque chose de fou dans ce moment loin des foules, avec ce lac gelé qui se laissait traverser et qui lançait comme une ode ou comme un S.O.S révélant son intériorité. Un moment bouleversant, de toute beauté.
 

mercredi 19 février 2025

Vivre : aérer

 
détail des fresques / villa Zianìgo / GD Tiepolo / Ca' Rezzonico / Venezia
 
 
En début d'année, élaguer : se défaire de l'inutile. Commencer par les choses, le plus facile. 
Et puis passer aux pensées, aux liens qui n'en sont plus qui n'en sont pas. 
Faire place à ce qui doit prendre place pour continuer d'évoluer pas à pas.
 

mardi 18 février 2025

Vivre : si la vie te donne du chocolat...

 
détail du Bon Gouvernement / Ambrogio Lorenzetti / Palazzo communale / Sienne

Les halles d'Avignon, détournées de leur vocation première, sont devenues des attractions à touristes désertées par une clientèle locale. Ainsi, en basse saison, leur offre est complètement dévitalisée. Peu de victuailles donnaient envie de les emporter. Sur notre route du retour se trouvait la petite ville de R. dont le marché se tient tous les vendredis. Aïe! Quelle désolation! Sous un mistral des plus teigneux, quelques pauvres stands avec des produits maraîchers pas vraiment reluisants en bordure d'une zone de parcage à moitié inondée. Nous avons fui ce lieu démoralisant. Que faire pour ne pas quitter le Gard dans ces conditions ? Ni une ni deux, nous avons mis le cap sur Nîmes, ses halles, ses petits artisans, ses excellents commerçants. Un détour sans conséquence, de jolies expériences. Les halles de Nîmes - espérons qu'elles vont le rester - sont un véritable bonheur pour les yeux et le palais. Les prix ont grimpé un peu comme partout ces dernières années, mais la qualité des produits, elle, est bien au rendez-vous. Une petite recherche sur leur histoire m'a conduite à cet article du Financial Times, datant de décembre dernier et qui les place parmi les 30 marchés les plus intéressants au monde. Un choix subjectif, évidemment, mais amplement mérité. Cette publicité supplémentaire en dehors des frontières se fera-t-elle pour le bonheur des gens du coin ? Difficile de le prédire, mais la sélection du F.T. m'a aussi rassurée : il n'y a dans leur liste aucun de mes marchés préférés. 
En attendant, par le plus grand des hasards, ce bref voyage a placé sur notre route quantité d'artisans chocolatiers. De quoi se damner. On n'en avait pas particulièrement besoin, mais, si la vie met sur ton chemin d'exquises douceurs, n'hésite pas, déguste, suis ton palais qui insiste, savoure ton bonheur.


lundi 17 février 2025

dimanche 16 février 2025

Voyager : habiter chez "Aby"

 
Atlante / Aix-en-Pce
 
Il devient de plus en plus difficile de voyager de manière équitable sans participer à des pratiques douteuses. Depuis un certain temps déjà, j'ai renoncé aux locations saisonnières de type Airbnb. Le principe initial (mettre en contact les visiteurs étrangers avec les habitants qui les accueillent dans un échange réciproque de bons procédés) s'est complètement dévoyé, à la faveur d'investissements immobiliers plus ou moins discutables, toujours plus virtuels, et à la défaveur des populations les plus modestes cherchant à se loger. Sans compter qu'à la fin de l'expérience l'exercice imposé de commentaires positifs est des plus horripilants. Je refuse de participer à cette forme d'exploitation qui exclut peu à peu les locaux des centres ville et me tourne vers des structures où une personne impliquée se trouve sur place, accueille et fournit les explications. 
L'autre jour pourtant, notre lieu idéal dans les environs d'Avignon étant fermé pour cause de travaux, j'ai cherché une alternative sur une plateforme connue (laquelle garantit le paiement et la publication de l'évaluation finale). La recherche de dernière minute était un peu ardue : le chien nous accompagnait et, entre les hôtels glauques et les 5* aux tarifs insensés, je me suis décidée pour un appartement calme, propre, central et acceptant les toutous. J'ai pensé dans un premier temps me trouver face au propriétaire pour la remise des clefs, voire le check out. J'étais disposée à m'ajuster à ses horaires pour le rencontrer. Mais rien de tout cela ne s'est passé. Toutes les indications ont été envoyées par messagerie interposée. Le logement étant hypersécurisé, une safe box nous attendait, avec un trousseau bien fourni, clefs, badge, télécommande et nous avons été inondés par la suite de messages "hypercordiaux" (dont beaucoup en anglais) de la part d'un certain "Aby" nous rappelant qu'il était toujours à notre disposition en cas de besoin par 06 interposé. Un peu impersonnel, pas vraiment accueillant, mais tout s'est bien déroulé.
Par pure curiosité, j'ai cherché combien ce type de logement coûtait s'il devait être loué à l'année : quelque chose comme 600 euros mensuels. Ainsi, en quatre nuits par mois environ, un gérant rentre dans ses frais et peut disposer de son logement en tout temps et en toute liberté. De plus, en période de festivités, il peut augmenter ses revenus sans être inquiété. J'ai pesté contre cette méthode Airbnb gagnant même les plateformes de réservations hôtelières les plus fiables. J'ai retenu la leçon et je pensais en rester là. Mais...quelle n'a pas été ma surprise au retour de recevoir un dernier message :
 
J’espère que vous êtes bien arrivés à destination. Encore une fois, un grand merci d’avoir séjourné chez moi, j’espère que l’appartement vous a plu !
J’ai fait de mon mieux pour vous offrir une belle expérience, même s’il est toujours possible d’avoir quelques petites imperfections, et je m’en excuse. Si vous avez apprécié votre séjour, votre soutien me serait très précieux
en me laissant une note globale de 10. Une note de 10 ne signifie pas que tout était parfait, mais qu’il correspondait bien à l’annonce et que vous avez passé un bon moment.
Si toutefois vous ne souhaitez pas attribuer cette note, je vous serais reconnaissant de ne pas en laisser, car
une note inférieure à 10 peut impacter négativement la visibilité de mon annonce sur la plateforme. N’hésitez pas également à me faire part de vos remarques en privé, cela m’aidera à m’améliorer pour mes futurs voyageurs.
 
 
Dans la concurrence entre locations, certains n'hésitent pas à fausser les évaluations pour s'attirer des clients. Pitoyable, mais courant. Qui se cache derrière l'identité "Aby" ? Un propriétaire bien réel ? Une agence immobilière ? Un intermédiaire peu scrupuleux ? J'ai relu l'annonce que "Aby" fait paraître sur deux plateformes. Impossible de le savoir.  Une seule chose est sûre : le logement sera évalué et publié selon nos critères et ... il n'est pas prêt de nous revoir. 

samedi 15 février 2025

Vivre : la vie est si courte

 
Ideogramma / Juan Genovès / Fundaciò March / Palma de Mallorca
 
 Face aux gêneurs/euses de toutes sortes 
Pas d'hésitations : leur indiquer la porte
 

vendredi 14 février 2025

Vivre : love love love

 
L'étude des artistes allemands à Rome / Wilhelm von Kaulbach / Neue Pinacotek / Münich
 
Partout, des fleurs, des nounours, des cœurs,  
des offres, des rubans, du rouge, des affaires,
les feux de l'amour, un seul jour dans l'année,
se muent pour certains en un véritable brasier
 

Vivre : par ici, la sortie

 
post it / Etel Adnan / Luma / Arles / 2022
Le miracle est ici; avec nous; en nous. Par le simple fait que nous sommes en vie. 
 
J'ai une horreur viscérale des hôpitaux (comme tout le monde sans doute, mais probablement bien plus que la moyenne). Je ne m'y sens pas en sécurité, au point que je renonce  à y faire des visites à moins d'y être obligée et si je suis tenue de le faire je les écourte au maximum. L'autre jour, je devais subir une petite intervention dans un hôpital de proximité qui s'est révélé lumineux et accueillant, avec un personnel des plus charmants. J'ai voulu - tant qu'à faire - me livrer à un petit exercice : définir quand intervient précisément le point de bascule qui fait de nous des patients, c'est-à-dire des êtres soumis, dépendants, en perte de repères, impuissants. 
Arrivée à l'accueil, présentant ma convocation et ma carte d'assurée, j'étais bien "moi", une personne capable de s'informer et de répondre aux questions qui lui étaient posées. En appuyant pour appeler l'ascenseur, en me dirigeant vers le secteur concerné, en notant l'orientation des couloirs pour bien me repérer, j'étais encore "moi", en pleine possession de mes moyens. Mais quand une infirmière est venue dans ma direction, s'est présentée par son prénom en m'indiquant que ce serait elle qui m'accompagnerait durant les deux heures suivantes, une petite clochette s'est mise à grelotter tout au fond de ma mémoire. Lorsqu'elle m'a montré mon lit et mon casier, là où je pourrais déposer mes affaires et me changer, la clochette a commencé de tintinnabuler (abandonner mon smartphone et mes papiers m'a coûté, même s'ils allaient se trouver à quelques mètres de la table d'intervention). Au moment où je me suis retrouvée allongée, face à deux personnes en train de m'expliquer étape par étape ce qui allait se passer, la clochette s'est affolée. Pendant la prise de sang, la pose de la perfusion, quand une troisième soignante s'est présentée, j'ai fait tout mon possible pour m'accrocher à mon statut d'être indépendant, mais je sentais que j'étais en train de basculer. A l'arrivée du médecin, dès qu'il a consulté mon dossier, s'est penché sur ses instruments et sur ses deux écrans, j'avais déjà je crois capitulé. Je suis très vite tombée dans un trou blanc.
Tout s'est bien passé. A peine réveillée, j'ai reçu une rassurante nouvelle et on m'a proposé du café (le fait que l'infirmière se transforme en une hôtesse attentionnée m'a aidée à me reprendre, quand bien même sous l'effet de la narcose j'étais un peu sonnée). Dès que j'ai pu me lever, récupérer mon sac, enfiler mes vêtements, exprimer mes plus vifs remerciements, je me suis envolée. J'ai repéré en un instant le parcours que j'avais mémorisé à l'aller. Dans le hall, à la sortie, j'ai senti que je respirais différemment, j'avais retrouvé une certaine désinvolture et mon identité (ce qui ne m'a pas empêchée d'aller guetter dehors la voiture de R. alors qu'il pleuvait).


jeudi 13 février 2025

Vivre : nos tentations réprimées

 
Fresques Villa Zianìgo /GianDomenico Tiepolo / Ca' Rezzonico / Venezia
 

Face à l'impulsion de consommer, une seule solution : reporter. 
Accorder au besoin réel le temps d'émerger. Ou de s'évaporer.
 

mercredi 12 février 2025

Vivre : séparer ce qui doit être distingué

 
Polittico / détail Justice / Michele di Matteo / Gallerie Accademia / Venezia
 
 
Nous ne devons aimer personne et personne n'est obligé de nous aimer.
(un vrai bonheur de voltiger en toute liberté)
Toutefois, en ce qui concerne le respect, qu'on aime ou qu'on n'aime pas,
ne pas confondre : il nous est dû et on le doit.
 

mardi 11 février 2025

Vivre : oser se lancer

 
Fresques Villa Zianìgo /GD Tiepolo / Ca' Rezzonico / Venezia
 
sortir de sa zone de confort : indispensable
rester à l'intérieur : vraiment inconfortable 

lundi 10 février 2025

Voyager : partir, arriver

 

 
Quand un voyage commence-t-il ? Dans l'esprit du voyageur, dans un désir, un projet, une vague image qui s'impose et demande avec insistance à se réaliser ? Dans la préparation d'un bagage ou la programmation d'un trajet ? Un voyage commencerait-il seulement au lieu même qui lui donne son intitulé ? Le voyage à Rome commence-t-il à Rome même, dès qu'on aperçoit le Colisée ? Le voyage à New-York sur la piste d'atterrissage de l'aéroport le plus proche menant à la ville qui ne dort jamais ?
Le voyage est bien sûr ce qu'on en fait. Il pourrait apparaître comme un cadeau savamment emballé. Il contient tous les rêves, toutes les attentes dont on a voulu l'entourer. Il y a aussi la manière dont il est savouré. Il y a les souvenirs qui s’imprègnent dans la mémoire et ceux qui s'envoleront à jamais.
L'autre jour, tandis que nous quittions notre région ternie de grisaille étions-nous en train de nous diriger vers le but de notre voyage ou déjà en train de voyager ? Ce qui est certain, c'est que les bancs de brouillard tenace enserrant le plateau ont peu à peu cédé la place à des strates de nuages beiges, qui se sont pris à rosir, jusqu'à prendre des apparences de pêche mûre, puis à bleuir, jusqu'à accueillir un ciel azur. Très vite, des montagnes pastel se sont dévoilées et mises à plonger l'une après l'autre dans les eaux du Léman comme une cascade en camaïeu qu'Hodler aurait dessinée. Une douceur infinie s'étendait sur notre trajectoire exceptionnellement dégagée. Il faisait beau, il faisait calme, il faisait un de ces moments où l'on voudrait que le temps oublie d'exister.

C'est alors que je me suis demandé si je n'étais pas déjà arrivée. Si, au lieu de tendre vers un but, ou d'attendre d'y arriver, le voyage ne m'avait pas déjà happée. Des foules de détails se sont offerts à moi comme sur un tapis déroulés : les montagnes imposantes et leurs neiges irisées, le tournoiement de ribambelles d'oiseaux dans le ciel élancés, les grues blanches et les grues cendrées dans les champs concentrées, et puis, plus loin, émergeant des rizières noircies par l'hiver, les herbes réchauffées par le soleil comme des fantômes agitées. Et, encore plus avant, tel château émergeant des brumes,  disparaissant, puis réémergeant accompagné de son village enfin identifié. Des moments de magie, un conte de fée. 
Arrivés à destination, à bon port et à l'heure prévue, ayant trouvé une place où nous parquer, et le parcomètre et la monnaie, et le lieu précis vers lequel nous devions nous diriger, j'ai pensé tout à coup que mon voyage était accompli. Ce n'était pas le voyage programmé. C'étaient quelques heures de cheminement vers le Sud qui s'étaient offertes, avec leurs teintes et leurs attraits, quelques mots prononcés, des onomatopées, des soupirs et des pensées qui voltigeaient. C'était un présent que la vie m'avait donné et que j'avais gardé, comme un enfant garde doucement un oisillon avant de le relâcher. 

dimanche 9 février 2025

Vivre : être tortue

 
trois lièvres peint sur arc d'une porte / castello di Fénis / Val d'Aosta
 
Le stress : 
pourquoi laisses-tu cet animal fou tournoyer ?
pourquoi ne pas t'asseoir et le regarder s'éloigner ? 

samedi 8 février 2025

Vivre : tout vient à point

 

Il peut arriver dans la vie qu'on se retrouve en butte à des vents contraires. Combien de fois, venue tout exprès dans l'intention de le visiter, me suis-je retrouvée devant les fortifications du château de Fénis comme un pauvre assaillant face à une citadelle imprenable ? Il y a eu ce jour où les horaires d'ouverture avaient été modifiés sans qu'ils aient pensé à mettre leur site à jour pour les éventuels touristes arrivés de l'étranger... et la période où le Covid avait complexifié les visites au point de ne permettre qu'un nombre très limité de visiteurs, tant pis, au-delà de dix vous ne pourrez pas entrer, non pas aujourd'hui la liste est saturée... et le matin où la dernière visite avait démarré à midi pile, l'accès m'avait été refusé à cinq minutes près ... et encore la fois où mon chien banni à l'entrée s'était vu interdire l'attente dehors au pied des murailles... Bref, j'avais fini par croire que cette forteresse serait inexpugnable et je m'étais presque faite à l'idée.
Mais... hier... alors que nous remontions le Val d'Aoste sous un soleil prometteur, j'ai tout à coup aperçu la silhouette majestueuse qui paraissait nous attendre. Oui, pour un peu j'aurais pensé que les pierres illuminées nous racolaient. J'ai passé un coup de fil à tout hasard et, bingo!, enfin la monumentale construction des Challant consentait à nous recevoir. Nous avions juste une heure devant nous, le temps d'aller consommer un antipasto misto valdôtain et un minestrone des plus roboratifs dans la seule osteria ouverte, parmi des artisans de la région qui prenaient leur pause déjeuner. Ce fut simple et généreux et arrosé d'un petit blanc de la région, le Jeux de Cépages de Didier Gerbelle - un mélange de Chardonnay et de Sauvignon assez convainquant. Oui, hier, les dieux étaient avec nous, nous n'avions aucune envie de rentrer, la dog sitter n'était pas pressée, on s'est octroyé une prolongation de vacances et aventurés dans le château avec un sentiment de conquête bien mérité.
 

 
Salle de la Justice




Peintures à fresque de Jaquerio


cour principale





vendredi 7 février 2025

Regarder / Vivre : retour sur soi

 
albero di 8 metri /pino douglas / giuseppe penone / 2002
 
à chaque fois, devant les arbres de Penone, cette invitation :
retourner à l'essentiel, au centre du centre, là où dorment les réponses.
grandir, inévitablement, mais sans perdre le fil qui va de soi à soi.

 
nel legno / senza data
 

 

jeudi 6 février 2025

Manger / Vivre : Still life / 163

 

 
Aujourd'hui, jour de pluie, j'ai décidé de faire des madeleines. Ça devait bien faire... cinq ou six ans. Je cherche une recette qui me paraît simple et dont j'ai dans mes placards tous les ingrédients. Un seul problème :  ma plaque en silicone contient 9 petits moules (ça me va très bien, en début d'année, pas besoin de se gaver) tandis que la recette est prévue pour 24 biscuits. Ok. Je vais diviser toutes les quantités par trois. Comme je n'ai pas de balance, avec mon bon vieux doseur, j'en arrive très vite à l'à-peu-près : un tiers de 50 grammes de lait et... un tiers de 8 grammes de levure... Je prélève ensuite un sixième de jus et de zeste de citron. Tant qu'à faire je décide que le morceau de beurre au fond du frigo équivaudra à 33 grammes et qu'il aura besoin d'être complété par une tombée de crème. Au moment de verser mon appareil, je constate qu'il y a largement de quoi remplir mes neuf coquilles. Advienne que pourra! 
Pour moi, la cuisine, c'est exactement ça: des essais, des rajouts, des rectifications, de l'intuition, des improvisations. Un peu comme la vie: quoi qu'on fasse, on fait avec ce qu'on a, on se lance et on finit par se confronter au résultat. Tout compte fait ce qui sort du four n'est pas décevant : des biscuits d'une délicate saveur citronnée, d'une exquise légèreté. (tout bien réfléchi, vu qu'on n'en fait qu'une bouchée, 24 madeleines, la prochaine fois ce sera juste assez).

mercredi 5 février 2025

Voir : Ainda Estou Aqui

 


Depuis que les salles les plus proches ont été rachetées et diffusent des tonnes de productions grand public, popcorn et boissons sucrées à l'appui, il devient de plus en plus difficile de trouver une séance qui ne vous fasse pas regretter les 90 km aller-retour, sans compter le prix d'entrée copieusement augmenté. Cette dernière année, je réalise que je peux compter sur les doigts d'une main les sorties motivantes.
 
En 2015, Marcelo Rubens Paiva a sorti un livre de souvenirs (auto)biographique, dans lequel il raconte l'histoire de sa famille et surtout la disparition de son père, le militant et député travailliste Rubens Paiva, enlevé et assassiné en 1971 sous la dictature militaire. Le film "Je suis toujours là" est l'adaptation fidèle de ce best seller. Il y raconte comment lui et les siens ont vécu cette disparition brutale et surtout décrit la trajectoire incroyable de sa mère, une femme issue de la bourgeoisie urbaine brésilienne que rien ne destinait à devenir avocate et militante des droits humains au seuil de la cinquantaine.
 
Rubens Paiva, père d'une famille au sein de laquelle règne une affectueuse vitalité, a été enlevé de son domicile à Rio de Janeiro par des policiers avec l'excuse habituelle de l'emmener répondre à quelques questions. Son épouse et la troisième de ses filles ont été embarquées à sa suite, interrogées pendant quelques jours, sans jamais obtenir de réponse sur le sort réservé à leur mari et père.
 
Le film retrace donc l'histoire d'une disparition restée inexpliquée, mais aussi le parcours d'une femme obstinée qui n'a jamais voulu se rendre ni plier face à l'inacceptable. Comment pouvoir survivre à ce vide ? Comment veiller à préserver sa famille et l'insouciance de ses plus jeunes enfants ? Comment réagir pour pouvoir se battre et continuer de vivre ? Le destin de Eunice Facciolla Paiva en donne un vibrant exemple.
 
Walter Salles, le réalisateur et ami de la famille Paiva, en tournée de promotion, était l'invité d'Eva Bester le 9 janvier. Cette interview intéressante complète intelligemment le visionnement du film, d'autant plus qu'ayant vécu à Paris il s'exprime dans un français parfait. Son œuvre multiprimée a connu un immense succès au Brésil. Elle offre l'opportunité de connaître une page de l'histoire de ce pays, durant la seconde partie du XXème siècle. Portée par un ensemble de comédiens très doués, elle permet aussi de (re)découvrir une artiste brillante dans un rôle qui lui permet de déployer son talent en d'infinies nuances. Fernanda Torres n'est pas seulement une actrice hors pair, elle est aussi romancière et deux de ses livres ont été traduits en français. Il s'agit de Fim (Fin) et A glória e seu cortejo de horrores (Shakespeare à Rio), tous deux parus aux éditions Gallimard. 
 
Walter Salles, est le réalisateur de plusieurs films à succès. Un des plus connus est le merveilleux Central do Brasil, sorti en 1998, dont le rôle principal était tenu par une autre comédienne talentueuse, Fernanda Montenegro, qui n'est autre que... la mère de Fernanda Torres. Parfois, les stimulations à découvrir et à revoir s'enchaînent à partir d'une séance. Ainsi, de film en aiguille, je me suis retrouvée à visionner le premier grand succès de Salles et à lire les deux romans traduits en français de Fernanda Torres. Les meilleures œuvres d'art se révèlent souvent être des portes ouvertes sur d'autres découvertes.