Depuis que les salles les plus proches ont été rachetées et diffusent des tonnes de productions grand public, popcorn et boissons sucrées à l'appui, il devient de plus en plus difficile de trouver une séance qui ne vous fasse pas regretter les 90 km aller-retour, sans compter le prix d'entrée copieusement augmenté. Cette dernière année, je réalise que je peux compter sur les doigts d'une main les sorties motivantes.
En 2015, Marcelo Rubens Paiva a sorti un livre de souvenirs (auto)biographique, dans lequel il raconte l'histoire de sa famille et surtout la disparition de son père, le militant et député travailliste Rubens Paiva, enlevé et assassiné en 1971 sous la dictature militaire. Le film "Je suis toujours là" est l'adaptation fidèle de ce best seller. Il y raconte comment lui et les siens ont vécu cette disparition brutale et surtout décrit la trajectoire incroyable de sa mère, une femme issue de la bourgeoisie urbaine brésilienne que rien ne destinait à devenir avocate et militante des droits humains au seuil de la cinquantaine.
Rubens Paiva, père d'une famille au sein de laquelle règne une affectueuse vitalité, a été enlevé de son domicile à Rio de Janeiro par des policiers avec l'excuse habituelle de l'emmener répondre à quelques questions. Son épouse et la troisième de ses filles ont été embarquées à sa suite, interrogées pendant quelques jours, sans jamais obtenir de réponse sur le sort réservé à leur mari et père.
Le film retrace donc l'histoire d'une disparition restée inexpliquée, mais aussi le parcours d'une femme obstinée qui n'a jamais voulu se rendre ni plier face à l'inacceptable. Comment pouvoir survivre à ce vide ? Comment veiller à préserver sa famille et l'insouciance de ses plus jeunes enfants ? Comment réagir pour pouvoir se battre et continuer de vivre ? Le destin de Eunice Facciolla Paiva en donne un vibrant exemple.
Walter Salles, le réalisateur et ami de la famille Paiva, en tournée de promotion, était l'invité d'Eva Bester le 9 janvier. Cette interview intéressante complète intelligemment le visionnement du film, d'autant plus qu'ayant vécu à Paris il s'exprime dans un français parfait. Son œuvre multiprimée a connu un immense succès au Brésil. Elle offre l'opportunité de connaître une page de
l'histoire de ce pays, durant la seconde partie du XXème siècle. Portée par un ensemble de comédiens très doués, elle permet aussi de (re)découvrir une artiste brillante dans un rôle qui lui permet de
déployer son talent en d'infinies nuances. Fernanda Torres n'est pas seulement une actrice hors pair, elle est
aussi romancière et deux de ses livres ont été traduits en français. Il s'agit de Fim (Fin) et A glória e seu cortejo de horrores (Shakespeare à Rio), tous deux parus aux éditions Gallimard.
Walter Salles, est le réalisateur de plusieurs films à succès. Un des plus connus est le merveilleux Central do Brasil, sorti en 1998, dont le rôle principal était tenu par une autre comédienne talentueuse, Fernanda Montenegro, qui n'est autre que... la mère de Fernanda Torres. Parfois, les stimulations à découvrir et à revoir s'enchaînent à partir d'une séance. Ainsi, de film en aiguille, je me suis retrouvée à visionner le premier grand succès de Salles et à lire les deux romans traduits en français de Fernanda Torres. Les meilleures œuvres d'art se révèlent souvent être des portes ouvertes sur d'autres découvertes.
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