vendredi 14 février 2025

Vivre : par ici, la sortie

 
post it / Etel Adnan / Luma / Arles / 2022
Le miracle est ici; avec nous; en nous. Par le simple fait que nous sommes en vie. 
 
J'ai une horreur viscérale des hôpitaux (comme tout le monde sans doute, mais probablement bien plus que la moyenne). Je ne m'y sens pas en sécurité, au point que je renonce  à y faire des visites à moins d'y être obligée et si je suis tenue de le faire je les écourte au maximum. L'autre jour, je devais subir une petite intervention dans un hôpital de proximité qui s'est révélé lumineux et accueillant, avec un personnel des plus charmants. J'ai voulu - tant qu'à faire - me livrer à un petit exercice : définir quand intervient précisément le point de bascule qui fait de nous des patients, c'est-à-dire des êtres soumis, dépendants, en perte de repères, impuissants. 
Arrivée à l'accueil, présentant ma convocation et ma carte d'assurée, j'étais bien "moi", une personne capable de s'informer et de répondre aux questions qui lui étaient posées. En appuyant pour appeler l'ascenseur, en me dirigeant vers le secteur concerné, en notant l'orientation des couloirs pour bien me repérer, j'étais encore "moi", en pleine possession de mes moyens. Mais quand une infirmière est venue dans ma direction, s'est présentée par son prénom en m'indiquant que ce serait elle qui m'accompagnerait durant les deux heures suivantes, une petite clochette s'est mise à grelotter tout au fond de ma mémoire. Lorsqu'elle m'a montré mon lit et mon casier, là où je pourrais déposer mes affaires et me changer, la clochette a commencé de tintinnabuler (abandonner mon smartphone et mes papiers m'a coûté, même s'ils allaient se trouver à quelques mètres de la table d'intervention). Au moment où je me suis retrouvée allongée, face à deux personnes en train de m'expliquer étape par étape ce qui allait se passer, la clochette s'est affolée. Pendant la prise de sang, la pose de la perfusion, quand une troisième soignante s'est présentée, j'ai fait tout mon possible pour m'accrocher à mon statut d'être indépendant, mais je sentais que j'étais en train de basculer. A l'arrivée du médecin, dès qu'il a consulté mon dossier, s'est penché sur ses instruments et sur ses deux écrans, j'avais déjà je crois capitulé. Je suis très vite tombée dans un trou blanc.
Tout s'est bien passé. A peine réveillée, j'ai reçu une rassurante nouvelle et on m'a proposé du café (le fait que l'infirmière se transforme en une hôtesse attentionnée m'a aidée à me reprendre, quand bien même sous l'effet de la narcose j'étais un peu sonnée). Dès que j'ai pu me lever, récupérer mon sac, enfiler mes vêtements, exprimer mes plus vifs remerciements, je me suis envolée. J'ai repéré en un instant le parcours que j'avais mémorisé à l'aller. Dans le hall, à la sortie, j'ai senti que je respirais différemment, j'avais retrouvé une certaine désinvolture et mon identité (ce qui ne m'a pas empêchée d'aller guetter dehors la voiture de R. alors qu'il pleuvait).


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