Il faisait frais ou bien il pleuvait. Et quand il faisait beau, il ventait. Une météo fantasque qu'ici on connaît et qu'on a appris à affronter avec écharpes, coupe-vents et bonnets. Mais là-bas, la ville paraissait démunie. Elle affichait le visage froissé de ceux qui ont vécu trop de mauvaises nuitées. Elle ressemblait à une fêtarde qui a trop fêté et se retrouve dégrisée. Elle devenait blafarde, comme sous le coup d'une insulte dont elle ne savait se remettre. Sur les trottoirs dépeuplés, les SDF contrariés fixaient leurs sacs entassés. Un homme sans âge devant les Halles se tenait immobile, tout désorienté. Il a dit non à ma main tendue. Face à tant d'adversité, pas question ce jour-là de quémander, ni d'accepter la moindre monnaie.
Il fallait bien le reconnaître : en dépit des terres fertiles et des nobles vignobles recouvrant les collines, le territoire dépendait essentiellement de cette monoculture qu'on appelle le tourisme. Et là, les étrangers, découragés par plusieurs semaines de pluviométrie démesurée, semblaient avoir déserté la cité et toutes ses beautés. Le temps n'était pas à la fête. La vendeuse de la chocolaterie nous a lancé en frissonnant : je suis née ici, mais jamais je n'ai vu un pareil printemps.
Et pourtant... que les pierres étaient belles! Il y avait d'intenses moments d'ensoleillement, de cette lumière vive qu'on ne trouve que là-bas et qu'il s'agit d'attraper au vol. Des instants magiques à capter comme des lucioles. Alors on s'est posés sur des terrasses et enivrés de Viognier, on a dévalisé des librairies agréablement calmes et visité des musées désertés, on a échangé avec des gardiens disponibles et des promeneurs enchantés. On profitait de cette période unique où tout semble être ailleurs, alors qu'en réalité le présent recèle tout le nécessaire au bonheur.
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