Le matin, après avoir suivi ses berges avec le chien, dans le grondement des moteurs pressés de s'en aller tournoyer de Gard en Gard, nous remontions au bord des hautes fenêtres pour mordre dans quelques tartines. Je ne connais rien de meilleur que la confiture qui dégouline entre les doigts tandis qu'un fleuve lent et enjôleur vous enveloppe de sa douceur. Je dégustais le paysage.
Dans la grande salle où nous étions seuls, nous entendions l'homme grommeler dans sa cuisine. L'homme avait mille raisons de grommeler : la météo qui avait fait fuir
les visiteurs, l'exigeante bâtisse qui réclamait encore et toujours des
efforts, trop de taxes, trop de choses à faire. Il préparait en grommelant des fruits d'une délicatesse exquise que nous savourions en cherchant sur le grand tableau de Meissonnier la fenêtre qui nous inondait de soleil matinal. Où qu'il se dirigeât, notre regard se perdait toujours dans les eaux tranquilles.
Le matin, le soir, le midi, le fleuve était toujours là, qui se laissait admirer, longer, effleurer. Immanquablement l'homme finissait toujours par grommeler que le Meissonnier, il aurait fallu le restaurer. Mais trop de choses à quoi penser, trop de travail. L'homme ne voyait plus ni les rives, ni le fleuve, ni la douceur des pastels. Son regard bleu allait se perdre dans ses abîmes, attiré dans son univers intranquille. Il était comme emmuré dans la Tour de Philippe le Bel. Il était seul.
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