jeudi 18 octobre 2018

Regarder : l'exemple d'Alberto


 L'Homme qui marche / A. Giacometti / Museum Louisiana 

Au cours d'un Grand Atelier consacré à Christian Boltanski, celui-ci a eu un échange avec Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti, à propos de cet artiste extraordinaire :

C. B. : Il a eu une vie exemplaire... il y a une sorte de modestie dans le lieu où il travaillait, une petite chambre où il travaillait tout seul, et puis modestie aussi dans le fait où il emmerdait, je crois, tout le monde en disant "j'ai encore raté, il faut que je recommence".

C.G. : Giacometti est quelqu’un qui a toujours pensé qu’il fallait faire mieux, qui n’était jamais sûr de lui. Il était sûr de sa trajectoire, c’est ce qui l’incite à continuer tout seul dans la solitude de son atelier, c'est ce qui l'incite à travailler hors des courants.[...]
Mais par contre dans l'exécution du portrait, puisqu'il travaille la figure humaine, eh bien, il n'est jamais satisfait.
Il dit que l'échec, non seulement est constitutif de l'art, du processus de création, mais que c'est ce qui le ramène tous les jours à l'atelier. Puisqu'il doit toujours faire mieux.[...]
Il a eu une reconnaissance tardive, tout d'abord aux Etats Unis, mais en France à sa mort (il avait 65 ans), hormis les quelques expositions à la galerie Maeght, sa galerie marchande, il n'a jamais eu d'exposition dans une musée ou une institution officielle et cela ne le troublait pas du tout. Le fait qu'il n'ait pas cette reconnaissance institutionnelle n'avait pas d'importance pour lui. L'argent qu'il a gagné vers la fin de sa vie n'avait absolument aucune importance. Il n'a jamais souhaité changer de train de vie, de cadre de vie. La seule chose qui comptait, c'était de pouvoir retourner chaque jour à son atelier, parce que chaque jour il estimait qu'il avait raté et qu'il allait faire mieux.

Exigence, humilité, obstination d'un homme qui marche, seul, sans se soucier des signes de reconnaissance, et sans vraiment les rechercher.


Le Grand Atelier / 9 septembre 2018 / France Inter
(où l'on apprend que pour visiter la reconstitution de l'atelier G. il suffit d'appeler pour réserver à l'avance et l'on est assuré d'entrer à l'heure prévue, sans faire de file)

2 commentaires:

  1. Coucou. Tout d'abord la photo: Cadrage superbe, l'homme qui marche seul avec cette fenêtre qui donne sur une étendue d'eau.
    Ensuite le texte et ce qui s'en dégage: grande sagesse de la part du bonhomme qui a compris qu'il ne faut pas chercher la reconnaissance mais plutôt avancer et persévérer. Une belle leçon de vie pour des gens (comme moi!) qui attendent souvent bien trop des autres et qui dépensent de l'énergie pour rien du tout. Alors que cette énergie devrait être mise dans la poursuite de nos rêves et de nos projets sans se soucier des autres. Bises de plaine.

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  2. Oh merci pour ton compliment : il faut dire que le Louisiana est un musée très photogénique.
    Quant à l'exemple de Giacometti, oui, c'est une voie à suivre. Comme tu le dis, nous avons tendance à perdre trop d'énergie à rechercher la confirmation de la part des autres (et du reste, qu'est-ce qui nous prouve que ceux dont nous attendons des signes positifs sont les mieux placés pour nous reconnaître ?) Notre énergie devrait essentiellement être tournée vers nos rêves. Sinon nous risquons de la gaspiller. Mais cela demande de la force, la force de surmonter le sentiment de solitude et les épisodes de découragement. Très belle journée, chère Dédé!

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