jeudi 2 juin 2022

Vivre : échappées belles

 
L'Homme qui marche / Alberto Giacometti / Louisiana Museum / Humlebeak
 
On marche. On va de l'avant (du moins, on essaie). On emprunte les chemins quotidiens, ceux que l'on connaît, ceux que l'on a testés et qui ont prouvé leur fiabilité. Et puis, un jour, on a envie de changer, de faire un pas de côté. Ou de travers. On fait demi-tour, on part à rebours. On décide de suivre notre parcours, toujours le même, mais dans le sens inverse des aiguilles de notre montre trop assagie. 
Sur les tracés habituels, nous voici en train de remonter les ruelles que l'on descendait, de lever le regard vers ce que tout naturellement on négligeait. Alors, on se met à percevoir la vie, la ville différemment. C'est la même chose, mais autrement. 
Sous une lumière nouvelle, des détails surgissent, que l'on ne soupçonnait pas. L'habitude nous avait caché ces détails-là. On décèle soudain du charme à ce qui nous apparaissait comme irrémédiablement terne ou neutre ou creux. Le monde n'est probablement pas plus grand, mais il se déroule devant nous de manière rafraîchie. A le rebrousser, notre chemin s'est renouvelé et on ouvre sur lui de grands yeux ébahis. Nous avançons curieux, ravis d'avoir fait la nique au sentiment de banalité qui osait grignoter notre vie.
 

7 commentaires:

  1. Pour avoir un autre regard il faut commencer à être devenu autre soi-même, au moins quelque peu.
    Deux ans de pandémie déstructurante du lien humain (qui n'est pas finie…), un réchauffement de la planète qui se perçoit peu à peu au quotidien, une guerre en Europe qu'on n'a pas vu venir, des démocraties engourdies dans des pratiques sclérosantes…
    Tout cela impacte et modifie le regard sur bien des choses. Commencent à s'ensuivre l'explosion d'une évolution – révolution qui a à peine commencé à montrer le bout du nez…
    « pendant la mue le serpent est aveugle » nous prêchent Les couleuvres.

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    1. Le billet est basé sur une expérience réelle. On peut le lire naturellement au premier degré ou l'interpréter, chacun à sa manière.
      Pour avoir un autre regard... tu parles d'un changement en soi. Et tu parles aussi de choses qui mutent dangereusement vite autour de soi.
      Mutations à l'intérieur. Mutations à l'extérieur.
      Pour avoir un autre regard, il faut changer de point de vue. Par décision personnelle (c'est le sens du billet) ou parce qu'on y a été contraint par des circonstances extérieures. Il faut y avoir été poussé et aussi avoir accepté d'ouvrir les yeux sur ce qui est.
      A regarder vivre les gens autour de soi, on se demande si tout le monde est d'accord d'ouvrir les yeux. Un exemple : le comportement de ceux qui roulent dans d'immenses voitures électriques (ça ne pollue pas ici et maintenant, ailleurs ne me regarde pas, donc c'est très bien comme ça) et qui courent s'acheter des climatiseurs (le réchauffement climatique attendra).
      Le temps du changement, d'un changement effectif est arrivé, c'est certain, mais le paquebot est énorme et lourd à manoeuvrer.

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    2. Tes billets reposent souvent sur une expérience vécue, mais qui est rarement dite. Seuls sont exprimés les ressentis ou enseignements que tu en retires. C'est une forme d'approche, mais elle génère des spéculations et interprétations diversifiée du lecteur. (Ceci n'est pas un reproche).
      Je comprends ce que tu dis : « par décision personnelle », celle-ci est souvent l'aboutissement d'un événement ou d'un autre regard porté sur « un ordinaire ». C'est quand même le signe d'un intérêt pour l'intériorité, du moins je le crois. Sinon on marche à l'instinct du moment, une sorte de surface réactive et donc peu réfléchie. Tenir compte de la profonde conscience te caractérise ainsi que ton blog.
      C'est en effet surprenant les comportements contradictoires qui imbibent l'époque. Souvent ils démontrent notre faible sens du collectif et du bien commun. L'individualisme demeure triomphant. Peut-être qu'il faut des catastrophes pour aller mobiliser d'autres choses plus proches de notre nature profonde d'êtres sociaux ontologiquement. Voilà qui est quand même infiniment triste de constater ce conditionnement. Alors que si on suit notre nature profonde, foncièrement ouverte sur autrui et ce qui nous dépasse et transcende, nous débouchons sur le bonheur lequel est accessible essentiellement dans le partage et la collaboration constructive.
      Malheureusement la société marchande ne cesse de tenter de nous convaincre du contraire.

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    3. Tu as raison à propos de ma manière d'écrire ici : ne pas raconter les expériences - ou peu - et laisser les lecteurs intrepréter comme ils le souhaitent, sachant que les ressentis et les enseignements varient de personne à personne. Je ne vois pas cela comme un reproche de ta part et j'ajouterais qu'en règle générale, j'aime aussi les livres, les œuvres d'art et les films où tout n'est pas exprimé point par point, où le récepteur peut ajouter son grain de sel, réinventer pour soi. Ou pas.
      C'est du reste pour ces raisons que j'aime aller lire chez toi Le voyageur de l'Aube. Je lis. Je retourne lire. Je cherche. Même si je ne commente pas. Même si je ne suis pas sûre de tout comprendre. J'aime bien explorer, m’interroger, chercher des connexions et des relations entre les choses.
      Très juste ce que tu dis sur les comportements contradictoires de l'époque. On sait qu'on doit changer. Il le faut. Mais on veut aussi garder ses acquis, son confort. On veut le beurre et l'argent du beurre et, dans cette ambivalence, les changements et les partages nécessaires tardent à se mettre en place. Belle soirée.

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    4. Je découvre que tu lis « le voyageur de l'Aube » et ça me touche. C'est un blog un peu particulier, une sorte de méditation personnelle sous l'œil des témoins qui viennent lire. Je ne suis pas didactique là-bas (en tout cas pas volontairement). Je ne cherche ni à expliquer ni à convaincre et ça me semble normal de ne pas être forcément compris. En fait je témoigne d'un essentiel de moi (ou pour moi) avec les risques que cela comporte, mais jusqu'ici ils ne sont pas bien grands. Il y a de la bienveillance chez ceux qui commentent. Peut-être est-ce un privilège pour celui qui essaye de se montrer « vrai ».
      C'est de toute façon un blog qui reste assez confidentiel. Et peu de gens commentent.

      Quant aux changements inévitables de la société, j'éprouve une certaine admiration pour les courageux qui s'y attaquent… et se font alors la plupart du temps attaquer pour que rien ne change. Les résistants sont un peu toujours les mêmes : la grande majorité des gens voudraient « que ça change » mais à condition de ne rien toucher à ce qui les concerne personnellement.

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    5. Pour ma part, je suis attentivement Le voyageur de l'Aube. Peut-être que ce sont dans les "lieux" les plus confidentiels que l'on trouve le plus de profondeur. On y trouve moins de consensuel. J'ai commenté seulement deux fois, je crois, mais... je les lis bien plus que ça... parce que je cherche à comprendre... (ça me fait penser à certains romans dont je m'obstine à relire deux, ou trois fois certains chapitres, car je veux absolument entrer dans la démarche de l'écrivain, je me dis que s'il s'est donné la peine d'écrire, il vaut la peine d'entrer dans sa démarche et je ne lâche pas!). Belle soirée.

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    6. Chercher à comprendre : voilà une belle démarche d'ouverture. Une démarche qui t'honore. Sur ce blog du voyageur tu as commenté bien plus que deux fois en 2019, 20 et 21et tu faisais effectivement état de ton désir de découverte.
      Je t'en suis reconnaissant (de me lire), comme je le suis envers quelques auteurs et écrivains qui m'ont mis également en état de recherche, parce que je voulais comprendre « d'où ils parlaient », de quelle profondeur, de quelle intensité, d'un certain appel qui venait me chercher là où je n'étais pas… ou pas encore… j'ai longtemps fréquenté les grands mystiques comme Thérèse d'Avila ou Jean de la Croix et quelques autres plus contemporains. Et je dois évidemment ajouter la Bible dans son intégralité, mais plus particulièrement les Évangiles qui sont d'une richesse infinie pour enseigner comment parvenir au bonheur, au moins s'en approcher… Mais bien sûr qui n'a rien à voir avec le bonheur-marchandise qu'on nous propose et qui n'est qu'un pâle ersatz insipide, qui plus est éphémère…
      J'ose dire que je suis et espère demeurer un chercheur de Vérité, tout en sachant que le chemin sur lequel on La cherche sera toujours un chemin sans aboutissement final et le voyageur continuera la recherche de l'Aube…

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