vendredi 3 juin 2022

Vivre : still life / 115

 

 
 Le matin, dans le magasin de seconde main, j'avais entendu distraitement la bénévole dire à un homme qui lui apportait quelques vestes : "vous avez contrôlé les poches? il est arrivé qu'on y trouve de l'argent, et même parfois des clefs". 
Dehors, il pleuvait et je m'étais promis de prendre un peu de temps pour faire moi aussi un tri dans mes affaires d'été. Passer en revue. Ranger. Trier. Donner. Garder l'essentiel et faire circuler le reste. En milieu d'après-midi, j'avais fini par déposer un sac avec quelques vêtements pour Caritas devant l'entrée.
C'est une fois remontée dans ma chambre que j'ai aperçu sur le tapis cette chainette avec son médaillon. Je l'avais cherchée désespérément l'automne dernier. Au-delà de sa valeur matérielle, je parvenais difficilement à en faire le deuil. Il me semblait qu'en la perdant je perdais pour la seconde fois la personne qui me l'avait un jour donnée.
Les choses : que l'on peut garder, transmettre, échanger, dont on peut se défaire et dont on a besoin de s'entourer. Loin d'être de simples choses, les choses, symboles de liens et symboles de deuils, souvenirs, sources de plaisir, objets d'envie et de désirs, compagnes de vie, témoignages de ce qui est et de ce qui a été, oui, les choses n'en finissent pas de m’interroger. 
 

2 commentaires:

  1. Les objets peuvent jouer le rôle de liens, dans le sens de souvenirs, et deviennent même souvent le symbole d’une période de bien-être, voire de bonheur. Ils sont posés sur l’étagère, la bibliothèque, le bureau, bien visible, mais pas toujours regardés. Mais ils peuvent aussi devenir une attache plus pesante, une sorte de rappel du passé qui tire en arrière. J’ai connu une personne qui avait gardé tous les objets qu’elle pouvait de ses parents. Il y en avait un garage plein : les tapis pourrissaient, les livres et papiers étaient rongés par les souris, mais elle ne pouvait pas s’en défaire. Tant que ces objets étaient présents, il lui était impossible de dépasser cette période de sa jeunesse et de son adolescence, ces objets la ramenaient toujours en arrière et au fur et à mesure que le temps passait, cette période était en plus mythifiée. Les objets ne la laissèrent pas tranquille, ne la laissèrent pas regarder en avant et construire. Les objets peuvent donc aussi emprisonner et peser, ils ne représentent pas toujours une sorte de socle sur lequel il est possible de s'appuyer et de construire sa propre vie.



    Gaspard

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    1. Oui. Les objets peuvent être source et signes de problèmes : objets d'avidité, symboles de vies figées, motifs à conflits. Oui. Leur possession peut être liée à du matérialisme effréné ou à une crispation sur le passé. En même temps, je ne crois pas au détachement total, genre ermite sur sa montagne. Disons qu'avec eux, il faut trouver la juste distance entre utilité et dépendance. Dans tous les cas, ils nous racontent beaucoup de choses sur nous-mêmes (et sur les autres). merci pour ce commentaire et belle journée.

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