jeudi 27 octobre 2022

Vivre : envols

 
 

I miei figli, Giovanni Nicolini, GAM, Palerme

Occupant les trois sièges devant, une mère et ses deux filles. Des fillettes sages aux regards tristes, graves. Elles ne bougeaient pratiquement pas. La jeune femme de l'autre côté du couloir, attendrie, leur adressait de temps en temps un sourire d'encouragement. Leur mère leur tendait une couverture, un bonbon, les invitait au silence, puis fermait les yeux. Comme elle, les fillettes étaient pâles, et un peu comme elle, elles assumaient malgré leurs jeunes âges un visage préoccupé. Quand la mère s'est absentée pour se rendre aux toilettes, elles se sont lâchées, un peu chamaillées. La mère est revenue à sa place et les a tancées. Idiotes ! Idiotes! leur a-t-elle lancé. La jeune femme de l'autre côté du couloir a cessé de sourire et a adopté une expression peinée. Peut-être se demandait-elle pourquoi certains adultes croient leur détresse à ce point supérieure à celle des enfants qu'ils se sentent autorisés à les insulter ?

Dans la rangée derrière, un jeune couple avec une petite fille de trois ans et un garçonnet à peine plus grand. La mère était minuscule, on aurait dit la grande sœur de ses enfants. Elle stimulait leur curiosité, mettait des mots sur tout ce qu'ils voyaient et expérimentaient, leur expliquait le sens des choses et du monde qui les entourait. Quand elle les invitait à bien se tenir, quand elle limitait les friandises, on aurait presque dit qu'elle faisait semblant. Elle était toute entière dans l'instant. A un certain moment, elle leur a fait lecture d'une BD et on se serait cru au théâtre. Elle assumait tous les rôles, passait du pirate à la fée, se faisait princesse ou ogre, haussant le ton, modifiant les intonations. Les petits s'esclaffaient. Entre eux, on sentait le plaisir qui circulait, la vie qui s'écoulait comme une rivière où il faisait bon plonger.

On ne choisit pas sa mère, on ne choisit pas sa famille. On ne choisit pas avec qui faire ses premiers pas dans la vie. On ne choisit pas comment prendre son envol. On ne choisit pas ses compagnons de voyage. On peut juste les observer et souhaiter pour eux le meilleur des atterrissages.

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