vendredi 30 mai 2025

Vivre : images du silence

 


Bien avant que le sieur soleil décide de se montrer - ou non - nous partons en exploration. C'est un temps plat, qui n'a rien de photographique. On se voudrait plutôt preneurs de sons, car c'est un temps retentissant, d'avant les mots, d'avant les gens, envahi de chants, de pépiements, de croassements, de cris lacérants. Derrière les joncs, un train vide traverse l'espace. Un wagon de marchandises suit sa trace. Quelque part se tient un séminaire de canards (plus un retardataire, surgi de nulle part). Nos pas frôlent les premiers bourdons, toquent sur les passerelles, butent sur des racines, déchirent les herbes folles. Un héron importuné, le daron, nous invective : nous sommes sur ses terres et sur ses eaux et nous voici traités de toutes sortes de noms d'oiseaux. De partout s'emballent des clapotis, des gargouillis, des vagues qui ondulent, des ruisseaux qui se déroulent. Plus loin, au cœur de la cariçaie, deux cygnes enlacés palpitent de concert. Des nuages de moucherons bruissent au creux d'une baie. Les arbres dansent et se trémoussent.  Leurs feuillages tanguent et frémissent. Tout est évidence d'être au monde. Nous faisons partie intégrante de ce monde. Le temps de cette première balade, ni humains ni chiens, nous évoluons dans le monde des vibrations. Nous ne sommes encore que sensations. Ce n'est que sur la boucle du retour que nous nous réincarnerons. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire