samedi 14 avril 2018

Lire : on allait au bord de la mer....





Photographie  de l'auteur reproduite  en partie sur la couverture

Ivan Jablonka, dans son livre En camping-car, évoque bien plus que ses merveilleuses vacances familiales, dans des VW bus mythiques durant les années 1980. Il parle beaucoup de son père,  dont les deux parents ont été déportés et assassinés à Auschwitz et qui désire par-dessus tout, viscéralement, le bonheur de son fils. Il parle d’une enfance libre d’inventer ses jeux d’été, loin des tablettes et des activités scrupuleusement planifiées. Il parle d’histoire contemporaine et sociale, ce passé relativement proche et qui apparaît déjà comme tellement éloigné. Il parle surtout de positionnement social, car lui, le fils d’un ingénieur et d’une professeure de français, latin, grec comme il aime à l’écrire sur les formulaires de l’école, une fois rentré au lycée Buffon, doit faire face aux jugements de ses camarades sur ces vacances « ridicules ». Eh oui, parler de vacances, c’est parler de culture, d'argent et d’appartenance :

Les sourires de mes camarades révélaient une typologie des villégiatures, une hiérarchie des vacances. La pauvreté : ne pas partir, faute d’argent. Le manque d’assurance : opter pour un voyage organisé, un circuit « découverte ». La sédentarité grégaire : lézarder sur une plage bondée de la Côte d’Azur. Le déracinement émigré : retourner au bled, alors que les enfants portent des doudounes à la mode et ne comprennent plus la langue de leurs grands-parents. L’art de vivre populaire : avoir une caravane à demeure dans un camping. L’aisance terroir : passer deux mois dans sa maison de famille en Bretagne, sa villa à Ramatuelle, son mas provençal, sa gentilhommière. Le farniente exotique : séjourner dans un hôtel de charme ou partir au Club Med, en plein essor depuis les années 1970.
Nos vacances n’avaient aucun nom, aucune justification, elles ne correspondaient à rien de connu. Cette manie ambulatoire était suspecte. Elle inquiétait les conformistes de masse par son côté excentrique ; elle paraissait grossière et rebutante aux enfants de l’élite.

Un mélange de souvenirs personnels et de considérations sociologiques, qui nous emmène à l'aventure sur tout le pourtour méditerranéen, qui nous invite à replonger dans notre propre passé estival, et qu’on quitte avec le sentiment pénible de devoir délaisser nos tongs pour rentrer dans des chaussures lacées.


En camping-car / Éditions du Seuil, La Librairie du xxie siècle / 2018

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