Mme Lopez me
dit : vous savez, mon cerveau avait
des ratés, il fonctionnait au ralenti, c’est pour cela que j’ai dû venir ici.
Marcelle, qui mange
en face de ma mère, pose sur les gens un regard d’enfant désolé. On dirait une
petite fille à son premier jour d’école, empathique, mutique et intimidée.
Madame de... porte un
grand chapeau. Elle passe et repasse avec au bec un vieux mégot desséché et
demande du feu à chaque passage. A chaque fois, elle répond : ça ne fait rien puis elle parle de Marc
Veyrat. Elle raconte que son fils l’a emmenée en hélicoptère manger là-bas.
Puis elle s’éloigne, fait le tour de la terrasse et revient avec son mégot demander si on connaît Marc
Veyrat.
Une grande dame en
longue robe de soirée noire me fait signe de l’aider à rentrer. Je pousse le fauteuil et, une fois à l'intérieur, j'entends une voix caverneuse de
baryton me dire merci. De rien, Monsieur. De rien, Madame.
Et puis, il y a elle,
qui me présente comme sa sœur, puis qui regarde ailleurs, qui ignore mes
fleurs, qui m’exhorte à la prudence, qui me demande de faire très attention, qui me
dit tu ne sais pas faire demande aux infirmières. Elle, rabougrie dans son fauteuil, qui semble ne pas me voir, mais s’écrie quoi
tu t’en vas déjà ? quand je me prépare au départ.
A chaque fois, je me
dis qu’il y a quelque chose d’anormal, de faux, d'insensé à vivre ça. Le
personnel est prévenant. Les chambres sont spacieuses. Les repas savoureux. Mais... oui... quelque chose d'anormal, de faux, d'insensé... dans cette absence de
contact, cet autisme, cette impossible connexion, dans cette survie qui se prolonge. Tous les dimanches, j'arrive et je dispose mes roses. Je reste, j'observe, j'essaie d'être présente, puis je m'en vais avec une gerbe de questions sans réponse.
Mais les fleurs restent après ton départ. Comme une bouffée de nature et d'espoir dans ce labyrinthe sans fin de questions. Bises alpines.
RépondreSupprimerOui, les fleurs, choisies toujours avec grand soin... Belle journée, lundi, demain...
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