vendredi 16 septembre 2022

Vivre : still life / 121

 

Sobre, moulant irréprochablement, pouvant affronter algues et tourbillons : l'uniforme des premières heures de la journée (plus tard, aux alentours de midi, la sobriété allait céder, les pelouses allaient se colorer de pastilles pastel, de maillots à fleurs ou fluo, de bikinis plus ou moins rétrécis). 
Ces derniers jours, la rivière se montrait en perte de débit, l'air portait quelque chose de flétri. Lors de descentes de plus en plus lentes s'invitaient tour à tour feuilles et brindilles. Dans les bassins, toujours moins d'habitués, des corps toujours plus frigorifiés, mains agitées vers des serviettes trop vite détrempées. L'heure des au revoir avait sonné. On s'était mis à saluer des compagnons de saison dont on ne connaîtrait ni le nom, ni la fonction, qu'on serait bien incapable de reconnaître en ville, dans le civil, mais auxquels leur manière de plonger ou de crawler avaient conféré en ces lieux une véritable identité. La buvette aux coussins colorés n'était plus qu'un tas de poutres démontées. Les serveurs décontractés s'apprêtaient à troquer leurs savoirs en matière de capuccinos contre leurs apprentissages en socio ou en psycho.
La saison tirait à sa fin. Le boulanger déjà préparait moins de sucreries, même les guêpes étaient moins assidues dans sa boutique. L'automne allait être beau, l'automne allait être resplendissant. Les pas tanguaient en quittant les espaces où l'on avait jubilé. Si les corps s'affichaient bien musclés, les cœurs renâclaient à s'en aller. 
Prendre sur soi. Balayer du regard. Savoir quitter pour mieux retrouver. Remiser ce fidèle compagnon et lui imaginer une prochaine saison.


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