Buste reliquaire de Sainte-Cécile (détail) /Mariano di Agnolo Romanelli / Musée Santa Maria Novella / Florence
En ce matin de décembre, l'intérieur de la basilique bruissait de dizaines de présences. Quelques classes en visite plus ou moins disciplinée. Un groupe de jeunes Juifs français auxquels leur enseignant lisait un guide plutôt bien rédigé. Quelques bâillements. Plus loin, une poussette suivie par un jeune bambin. Des chuchotements. Un homme en béquilles et fauteuil roulant. Deux élégantes en pause shopping, un aristocratique étudiant très absorbé. Trois femmes d'un certain âge échangeant à voix basse les informations qu'elles avaient glanées. Une équipe de Canadiens pourvus de sacs à dos et gros souliers. Des gens qui allaient et venaient... De quelles provenances ?... Vers quelles destinations ?... Tous si différents et pourtant en ce lieu rassemblés.
Soudain une trentaine de pré-ados ont déboulé et se sont dirigés vers l'autel, accompagnés d'une organiste et d'un violoncelle. Installés en contre-bas de la chapelle Tornabuoni, ils ont commencé par s'adonner à quelques vocalises. Dès les premières notes, quelque chose dans l'atmosphère s'est modifié : avec quelques discordances que l'orgue tentait tant bien que mal de rassembler, ces jeunes voix maladroites attendrissaient. On eut dit que les sons propulsaient dans l'espace des pastilles de lumière. Puis les enfants se sont mis à chanter, un peu poussivement d'abord, comme pris par une sorte de timidité. I see trees of green... Red roses too... I see them bloom... For me and you... Leur enseignante, une quinqua bien en chair, s'agitait dans tous les sens pour les coordonner. Enfin, musiciens et chanteurs ont trouvé les bons accords et le bon tempo.
Une mère debout qui les regardait depuis l'allée centrale souriait et peinait à retenir ses larmes. Un calme imposant s'est installé peu à peu. Les notes paraissaient s'envoler jusqu'au Crucifix peint par Giotto. Elles se sont échappées sur un bas-côté pour aller effleurer la Trinité de Masaccio. Elles faisaient des loopings, se sont élevées, ont tournoyé, touchant les toiles et les âmes et les personnages figés.
Tout à coup, un miracle s'est produit. Soudain,
toutes les pesanteurs de cette année affligeante ont laissé place à ce qui avait été égaré, à ce
qui aurait pu être, à ce que chacun aurait voulu recréer. On eut dit que la musique générait une immense bulle, un monde où tout être avait sa place et où l'amour pouvait circuler. Les poitrines des visiteurs se sont mises à gonfler. And I think to myself... What a wonderful world... Là, sans crier gare, la magie de Noël était arrivée : un sentiment de paix qui venait rappeler la partie belle de l'humanité. Celle dont on rêvait, celle que l'on n'osait espérer.
On est sortis à pas lents et légers, tout légers. Dehors la ville pulsait. Il y avait des chiens, et des mendiants solitaires, et des gens attendus qui couraient à leurs rendez-vous, d'autres qui s'enlaçaient, des lumières qui s'allumaient, des sourires, des ambulances stridentes et des coups de klaxon. Le monde qui se déployait sous nos yeux se révélait dans toutes les facettes de sa merveilleuse réalité... Le cadeau de Noël était là, dans cette vision de la condition humaine, cette option acceptable à laquelle on pouvait croire et vers laquelle on pouvait se diriger.
Dans le contexte que tu donnes j'ai pris plaisir à réécouter Louis Armstrong chanter « what a wonderful world »
RépondreSupprimerUn jour quelqu'un lui demandait pourquoi il parlait d'un monde merveilleux alors qu'il y avait la guerre partout. Il répondit : «Il me semble que ce n’est pas le monde qui est si mauvais, mais ce que nous y faisons, et tout ce que je dis, c’est: voyez quel monde merveilleux ce serait si seulement nous lui donnions une chance. Amour, baby, amour. C’est le secret ».
C'est pas complètement idiot de relire ça à quelques jours de Noël !
Le cher Louis avait tout compris! Donner une chance au monde de se révéler dans tous ses aspects merveilleux... ça fait rêver, particulièrement avant Noël.... (moi aussi, depuis la semaine dernière, je l'écoute en boucle et je crois qu'autour de moi on commence vraiment à se lasser...!) Belle journée!
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