dimanche 28 avril 2019

Vivre : Olivier



Gian Giacomo Bartolotti da Parma / Le Titien / KHM / Vienne

Il dit : je suis content, je suis payé pour ne rien foutre pendant trois mois. Il dit : pour mon pot de départ, soixante collègues et pas un cadre. Il dit : quarante ans quand même dans cette boîte. Il dit : quasiment jamais d'absence, de maladie. Il dit : les choses ont bien changé. Il ajoute : les gens aussi. Il dit : ça fera bientôt deux ans, un matin, le chef de mon chef m'a convoqué. Il dit : il m'invitait à partir en anticipé. Il dit : j'ai toujours aimé mon boulot, je me suis donné. Dans son regard habituellement si brillant - ses yeux vifs : des astres - il a comme un voile. Il ressemble à ces gens qui parlent de leur divorce : leur partenaire leur a annoncé que c'était fini et eux n'ont rien vu venir. Il dit : mon chalet, là-bas, enfin du temps pour faucher. Il dit : un raid en moto dans le Sahara. Il tourne les yeux vers la fenêtre. Il sent son cœur qui flanche, sa gorge qui se noue, il ne veut pas que ça se voie.

4 commentaires:

  1. Et toi, tel un peintre le ferait avec ses pinceaux, tu décris parfaitement ce qu'il ressent avec tes mots.
    Nous assistons nous aussi à sa déception, sa tristesse, et cela nous touche infiniment.
    Bises, ma chère Dad.

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    1. Oui, voir un être solaire comme lui en perdre ses couleurs, c'est attristant (et en plus, c'est - c'était - un excellent collaborateur, un type loyal). Merci pour tes mots et belle soirée.

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  2. Forcement, un bel Olivier prend racine après tant d'années passées dans le même boite. Se voir ainsi déraciné et remplacé par un plus jeune (?) (sans doute rémunéré au rabais) fait mal. Mais, (sauf si manque des moyens) on peut aussi "profiter" d'un départ anticipé pour s'adonner à d'autres passions. En tout cas c'est un cap dur à passer... "il" lui faudra beaucoup d'amour et soutien ;)
    Merci Dad pour ce touchant billet, j'ai la gorge nouée. Bonne soirée. Bises.

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  3. Il a dit aussi : "je n'avais plus ma place dans cet endroit" et c'est dur, de perdre sa place, au propre comme au figuré. Ce genre d'expérience ne se passe jamais sans quelques sentiments de trahison et de rejet. Mais, comme il a un fort caractère, il s'en remettra, c'est sûr. Il aime la moto, la bonne chair, et les montagnes. Il trouvera d'autres voies. Belle et douce nuit, chère Julie.

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