L'immense jardin (presque un parc) jouxtait la forêt de chênes et de châtaigniers où couraient en toute liberté les nobles cochons de race cinta senese. Une truie m'avait prise en amitié depuis que je lui apportais mes trognons de poire et elle passait régulièrement contrôler si une nouvelle douceur lui avait été livrée. Elle signalait sa présence par un doux grognement (peut-être Dad en langage porcin ?)
Au milieu du jardin, il y avait comme un monticule, et au centre de ce monticule, ombragé par divers feuillus, il y avait un vieil hamac dans lequel il faisait bon se lover. Après des matinées passées à visiter, à conduire, à s'informer, à photographier, j'aimais m'y couler et je dois avouer que j'avais une peine immense à m'en extraire quand le crépuscule rougissait la forêt. Je remarquais combien le hamac offre quelque chose d'utérin, de protecteur, d'enveloppant à qui consent à s'y abandonner.
La lumière scintillait à travers les feuillages. Je tentais un instant d'avancer dans mon roman japonais, mais très vite, je me sentais happée par la vision de mes ongles rose bonbon, par mes sandalettes d'écolière, je retournais en enfance, je partais à la rencontre d'anciens étés italiens. De la campagne émanaient tour à tour des senteurs de fumier, de figuier et de romarin. L'origan qui tapissait le sol embaumait. Des alentours provenaient des sons vagues, difficiles à identifier, des cris, des chants, des roucoulements, des appels lointains. Bientôt, bercée par ce silence impressionnant, qui n'en était nullement un, mais dont la caractéristique était de ne comporter aucun vrombissement, aucun mot intelligible, aucune connexion à la réalité, bientôt, je m'endormais.
Je faisais d'étranges rêves, dans mon berceau improvisé, qui me ramenaient à mes premières années et à leurs découvertes. Un sage vieillard venait me tenir des propos en lettres d'or. Un autre m'indiquait un chemin et m'invitait à avancer encore plus loin. Un troisième m'emmenait à travers des collines jonchées de fleurs et de papillons.
A mon réveil, le temps avait passé comme par enchantement. Je découvrais mes chevilles pointillées de rose, aussi rose que le vernis de mes ongles : certains petits insectes devaient apprécier autant que moi ce lieu merveilleux, fabuleux, cette île au trésor, ce territoire au-delà du temps et des faits. Il me fallait toujours un moment pour émerger, pour pouvoir me diriger vers le monde réel. Et toujours avec un certain regret.
Bonjour,
RépondreSupprimertrès beau texte contemplatif qui s'achève en rêve doux, en rêve heureux. Des après-midi comme j'aime à les passer, oisif du corps mais pas tout à fait de l'esprit.
Ma colonne vertébrale se refuse hélas au hamac, et j'envie souvent mon voisin (en face, de l'autre côté de la rue du lotissement) qui s'y adonne régulièrement livre en mains avec un plaisir qu'il me vante parfois...
Oui, une saine oisiveté, consacrée à la contemplation et à l'émerveillement, qui permet d'aller plus loin, avec peut-être un peu plus de lucidité.
RépondreSupprimerLes maux de dos sont une calamité. Notre colonne a besoin d'être ménagée. Quant à ton voisin, il a bien de la chance de pouvoir lire sans s'endormir : avoir un hamac chez soi et en profiter doit être un luxe suprême. Belle journée.