dimanche 26 septembre 2021

Vivre : still life / 102

 

Les objets, on le sait bien, sont chargés de mémoire et d'affects. Sur le marché du vendredi, dans la petite ville qui vit naître Arnolfo, rien n'avait en apparence changé. On n'entendait que des accents toscans, avec cette manière unique de ne pas prononcer la lettre "c", en conséquence de quoi ils sont bien les seuls qu'on apprécie d'entendre commander un "rrorra-rrola". La bourgade apparemment n'avait pas assez d'attraits pour se voir envahie. Pas assez élégante, pas suffisamment restaurée. Avec les années, elle n'avait rien perdu de son atmosphère : derrière les étals, des paysans de la région, avec leurs produits non calibrés, des vendeurs bonimenteurs, mais sans excès.  
A la terrasse du Gran caffè Garibaldi, on continuait de servir mille déclinaisons de sublimes pâtisseries. Les grands-pères partageaient des panini au jambon avec leurs minuscules petites-filles. Des mammas toutes en rondeurs exhibaient des tops en léopard. Je me suis approchée d'un stand de seconde main tenu par une femme au regard céleste et au sourire généreux, qui était en train de promettre des oreillers à une femme voilée. Elle prenait aussi le temps de prodiguer des conseils de lavage pour deux euros de vente non assurée. Elle nous a cédé à un prix dérisoire un grand drap de lin, avec initiales brodées, qui servira de nappe pour de futurs soupers. Et tant qu'à faire : deux serviettes aussi, pour les invités.

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