mercredi 31 juillet 2024

Vivre : l'attente et l'espoir

 
La Residenz / Würtzburg / Escalier d'Honneur
 
 
En descendant les marches, en parcourant les salles, monumentales, en arpentant les couloirs et les allées, je me suis sentie subitement libérée, dégoulinant de chaleur, ignorant les autres visiteurs, en dialogue avec les lieux, je repensais aux derniers mots de Montecristo, vu la veille, images si lointaines et somme si proches : n’oubliez jamais que toute la sagesse humaine sera dans ces deux mots : attendre et espérer !  A travers les âges, sous le vaste plafond peint par l'inventif Giambattista ou dans les jardins ruisselants de verdure, les statues acquiesçaient, invitaient à attendre sans fièvre ni tourment.
 

mardi 30 juillet 2024

Vivre : dans mes bagages

 
Dans les jardins de la Residenz
 
 
De ce voyage en Allemagne, je tenais absolument à ramener du Rhabarbersaft. Le jus de rhubarbe est incontestablement une boisson divine, la plus adaptée à l'été. Je pourrais rouler pendant des heures pour en déguster de grands verres frais à l'ombre de terrasses inondées de lierre. Mais à mon retour, j'ai réalisé que j'avais rapporté un autre butin dans mes bagages, sans que j'y prenne garde à la frontière.
A plusieurs reprises dans la ville, lors de simples interactions ou de brefs échanges, et malgré mes incompétences notoires en allemand, je me suis retrouvée confrontée à cette chose rare : la pure gentillesse, exquise comme du beurre fermier. J'ai découvert une distinction fondamentale : on peut se montrer souriant, aimable, poli, stylé, empressé, très professionnel vis-à-vis de l'étranger de passage. Mais l'ouverture du cœur et du regard, qui n'a rien d'affecté ni de forcé, est une chose bien différente. Aller vers l'Autre et l'aider sans rien attendre juste parce qu'il est là et qu'on a quelque chose dont il a besoin. Point.
Face à des déferlantes sur nos rives avais-je besoin d'une piqûre de rappel ? Toujours est-il que ce matin, je me suis vue dépanner instinctivement des Roumains empruntés devant le parcomètre et ses alambiqués messages et indiquer à des campeurs la boîte à livres du village. Trois fois rien envers des gens d'ailleurs confrontés aux différences. On ramène décidément d'étranges choses de nos voyages...
 

lundi 29 juillet 2024

Vivre : s'éclater en liberté

 
Blaue Schafe / Rainer Bonk /Garten des Juliusspitals / Würtzburg
 
Énorme bâtiment que le Juliusspital, abritant un centre d'action médico-sociale et de production œnologique. La découverte de ces six spécimens dans les jardins intérieurs - ce bleu Klein sur l'herbe abondamment arrosée - avait quelque chose d'étonnant.  A vrai dire, les concepts à l'origine du projet officiel européen ne m'ont pas vraiment convaincue. C'est au premier degré que ces ovins m'ont enchantée.
 
Pas tentant d'appartenir au troupeau, se rassembler et se ressembler, s'agglutiner pour être sûr de penser plus blanc que blanc et se rassurer. Pas vraiment agréable d'être le petit mouton noir, affirmant son individualité, encore et toujours rejeté. Mais... se retrouver parfois pour constituer un groupe indigo, se mettre au vert dans une ambiance électrique, pas nécessairement chaotique, mais forcément éthique et écologique, peut représenter une option des plus bénéfiques.
 

mercredi 24 juillet 2024

Vivre : en chantier

 

Femme aux mains jointes / étude / Pablo Picasso / Musée Picasso / Paris
 
 
On a choisi de s'asseoir à cette terrasse parce que c'est la plus agréable de la place. Bien ombragée, tables propres, fauteuils douillets. Elle s'approche, un top ouvert sur son ventre ultra plat, deux anneaux argentés au nombril. Ses seins proéminents comme des melons détonnent sur sa silhouette maigre et musclée. Elle esquisse un sourire et demande ce qu'on veut consommer. Ses lèvres bougent à peine, on dirait une actrice mal doublée. Malgré la chaleur, une couche de fond de teint lui tient lieu de bouclier face au monde et fige ses traits. Ses sourcils : de grands tracés noirs qu'un Picasso aurait esquissés. Ses cheveux : des mèches lisses et volumineuses, le coiffeur de Brigitte Macron a dû l'inspirer. 
 
Qu'a-t-elle d'authentique, cette fille qu'on croirait en toc, qui doit avoir trente ans à tout casser ? Au fond de ses prunelles, on devine des trésors de sensibilité. On voudrait lui dire qu'elle pourrait être elle-même et que ce serait bien assez. Mais, être elle-même, ça ne veut rien dire pour elle qui poursuit son mirage : s'inventer. Du reste, elle se réjouit des pourboires : après ses lèvres, ses seins, sa chevelure, c'est son nez qui doit impérativement être refait.


mardi 23 juillet 2024

Voir : formidables

 
 
En cette période de rediffusions et de bêtisiers à répétitions, c'est un peu la déprime côté télévision. Heureusement que France 5 repropose Nus et culottés, qui en sont cette année à leur douzième saison. J'adore me passer n'importe lequel de ces épisodes avant d'aller me coucher. Leurs aventures, où qu'elles se déroulent, donnent la pêche et redonnent confiance en l'humanité. 
 
Nans et Mouts étonnent, avec leurs immenses capacités, savoir-être et savoir-faire conjugués. Non seulement ils sont sportifs, résistants, capables d'endurer la faim, le froid et les refus à profusion, mais leurs compétences en relations humaines et leur aptitude à nouer du lien se révèlent à chaque fois stupéfiantes. On ne peut qu'être impressionnée, à les regarder évoluer dans des milieux variés, parfois accueillants et chaleureux, parfois hostiles ou méfiants, à observer leur pouvoir d'adaptation face à des gens de toutes provenances et de toute position sociale, à les voir s'en sortir, chercher et trouver les plus ahurissantes solutions.
 
En partant à chaque fois avec un objectif fou ou déluré, sans vêtements, sans argent, sans voiture, hors standards de consommation courants, ouverts au troc, à la rencontre, aux échanges, ils représentent des valeurs peu reconnues dans nos sociétés. Qu'ils puissent trouver des personnes - des héros ordinaires, de belles personnes extraordinaires - prêtes à les accueillir et à les aider à accomplir leur projet tient d'un petit miracle à chaque fois. Dans leurs aventures, ils se confrontent (et nous confrontent) sans cesse à la différence, mais une différence qui dans le fond n'est qu'une ressemblance, car à bien y regarder ce qu'on découvre dans chaque épisode, ce sont les multiples facettes de l'être humain.
 
Chaque rencontre nous montre un pan de notre vie en société. Fermeture ou ouverture face aux autres ? Méfiance ou confiance d'emblée ? Égoïsme ou générosité ? En tant que spectateurs, on est à chaque fois confrontés à cette question : et moi, si je les avais aperçus au bord de la route, s'ils étaient venus toquer à ma porte, avec leurs demandes et leurs besoins, aurais-je su prendre le risque ? aurais-je su leur tendre la main ? osé faire avec eux un bout de chemin ?


dimanche 21 juillet 2024

Voyager : pour être heureux...

 
Roussillon / été 2019
 
Dans sa rubrique voyages, le Guardian fait régulièrement appel à ses lecteurs pour des tuyaux sur leurs sites préférés. Dernièrement : aidez-nous à faire un article sur les jolis coins de France secrets. A parcourir le billet, on croirait une liste des destinations les plus courues du pays. Il y a Roussillon, Bergerac, la région de Colmar et même Collioure, élu le "village préféré des Français en 2024". Les Anglais sont loin d'être stupides : qui voudrait partager un coin de paradis et le redécouvrir l'été suivant envahi? On soupçonne les participants au concours de livrer, en échange de quelques malheureuses livres, des lieux très touristiques rien que pour se retrouver tranquilles dans leur petite ville préférée, un hameau chéri, une vallée éblouissante, un petit joyau à l'écart des chemins balisés. Même sous la torture, ne jamais balancer! Il est des secrets qu'il faut pouvoir préserver! En revanche, ces sites par trop connus donneraient envie de partir les découvrir à la saison dite morte, celle où les lieux se réveillent, se révèlent et sont enfin rendus à eux-mêmes. On rêverait alors de s'en approcher avec les yeux de la première fois.

samedi 20 juillet 2024

Vivre : mes luxes

 
Famille de Ferdinand IV de Bourbon (détail) / Angelika Kaufmann / Capodimonte / Naples
 
Ces senteurs de miel que libère une plante - laquelle? - sur le chemin tous les  matins.
L'oiseau face à la cuisine qui insiste à scander qu'il faut espérer. Ses amis prêts à confirmer.
Les sandales commandées : élégance décontractée à mes pieds. Le lac : sa quiétude assurée.
Sur la table : à manger. Lui : son regard. Et puis le luxe absolu : un chien comme le mien. 

vendredi 19 juillet 2024

Vivre : faire société

 
Sandro Botticelli / Le Louvre / Paris
 
La coiffeuse avait du retard. Sur la tablette, une pile de ces magazines psy qui cartonnent en proposant toutes sortes de réponses à une palette de problèmes ardus auxquels on n'aurait peut-être jamais pensé. Des interviews de personnalités, des tests, des avis d'auteurs réputés, des solutions miraculeuses à condition de pouvoir se les payer. 
La moitié des articles traitaient de vie sociale, définie comme indispensable pour être et rester en bonne santé, mais l'autre moitié des sujets évoquaient de gens souffrant de vivre en société. Ils avaient mal à leur vie amicale, professionnelle ou familiale et le journal racontait en détail leurs dysfonctionnements et incapacités.
A la poursuite du bonheur, cherchez l’erreur. En reposant la revue, on se demandait si la vie sociale devait être recherchée ou si elle tendait à rendre malade. Où se trouvait le lien de causalité ? Quel équilibre et comment le trouver ? On repensait au proverbe : probablement que pour vivre heureux on avait avantage à vivre (au moins partiellement) cachés.


jeudi 18 juillet 2024

Vivre : tout bénéf

 
 Façade de la chartreuse / Vallvidrera / Mallorca
 
 
et pourquoi ne pas accorder plus généreusement le bénéfice du doute ? 


mercredi 17 juillet 2024

Vivre : du silence dans l'été

 

 
Et voici donc revenu le plein été, saison des vacarmes et des vrombissements, des écarts et des éclats, des départs et des retours, des valises à faire et des nœuds à défaire, saison où l'on se sent marri de ne pouvoir faire partie des caravanes, où l'on s'exaspère de devoir attendre son tour, où l'on dépense autant qu'on se dépense, où l'on crie, où l'on chante, où l'on se réjouit et l'on subit. 
J'ai appelé la maison magique qui nous accueillera près de Florence quand le froid sera de retour. Un voix fraîche et calme m'a répondu : oui. La chambre numéro quatre pour trois nuits. Simplement : oui. Ah! ces voix qui sont ce qu'elles sont, qui font ce qu'elles ont à faire, sans trop en dire, en prenant le parti de la compétence, de la juste distance, loin des fureurs et du bruit...

mardi 16 juillet 2024

lundi 15 juillet 2024

Voyager : Govone, torpeurs estivales

 



écrasés par la lumière, nous progressions sur le gravier,
incapables de prononcer un seul mot, mortifiés par notre lenteur,
pauvres Atlantes aveuglés, inondés par des flots de sueur


à l'intérieur, les salles suintant la poussière, les meubles abandonnés,
le château éternellement en travaux, les échafaudages, les seaux,
et une gardienne qui se gardait bien de nous céder le moindre billet




 
parmi les fastes ternis, des murs attendant vainement d'autres tapisseries,
quelques Italiens penchés sur leur audios évoluaient comme des zombies



dehors, deux chiens, indétrônables seigneurs, surveillaient la plaine 
qui s'effaçait, se refusait, fumait au loin dans les silences de juillet
 



dimanche 14 juillet 2024

Vivre : Still life / 151

 

Jeudi, j'ai retrouvé par 35° à l'ombre le petit marché de Castagnole L. où j'aimais tant aller faire mes achats durant mes étés piémontais. Quel bonheur d'évoluer parmi les marchands, derrière leurs étals exhibant des produits tout juste récoltés. Un homme était venu vendre son bois de cheminée avec deux gros camions. J'ignore s'il a fait des affaires ce matin-là. Il restait assis, seul, à l'abri de son engin. Difficile d'imaginer à quoi toutes ces bûches pouvaient bien être employées. Un charmant retraité nous a parlé avec emphase d'un petit bar de son village où l'on servait les meilleurs croissants alla crema du monde. Ah! comme j'aurais aimé faire un détour pour aller vérifier! J'adore recevoir ce genre de tuyau et pourrais faire de sacrés détours pour aller dans des coins perdus qu'un local m'aura indiqué. Hélas en ces moments de fournaise, ma gourmandise était laminée.
Au bout d'une heure, nous avions embarqué les premières figues des vergers, des cerises aussi grosses que des pruneaux et suffisamment de tomates pour nos salades et nos sauces en pot. J'aurais volontiers pu passer des heures à discuter avec des inconnus, à échanger des recettes, des propos sur le temps et autres civilités. Mais mon corps lançait des S.O.S. Mes pas étaient comptés. Impossible d'aller plus loin sans m'effondrer.
Ce n'est qu'au retour, une fois les laitages et les viandes mis au frais, que nous avons disposé le reste de nos achats sur la table pour une photo de famille. Quelle famille ! Tous ces fruits et légumes gorgés de soleil avaient de quoi attendrir! J'ai senti mon taux d'adrénaline remonter. Notre stock de confitures devait être réapprovisionné. Alors sans attendre, j'ai saisi mon tablier.

samedi 13 juillet 2024

Vivre : autrement, ça va

 

 
Il y a des endroits comme ça. Rien ne se passe comme ça devrait. Les mails ne reçoivent pas de réponse. Les accords verbaux ne sont pas confirmés et les contrôles pas effectués. Les formulaires obligatoires sont oubliés. Les appels sonnent dans le vide. Les règles ne sont pas suivies. Les livreurs attendent devant des portes qui ne s'ouvrent pas et finissent par repartir bredouilles avec leurs cartons sous le bras. On pourrait croire que rien ne va.  Ou que ça n'est pas normal. Ou que quelque chose est détraqué. Mais comme tout finit quand même par fonctionner, on en arrive à se dire que c'est juste quelque chose qui marche autrement et qu'il faut le prendre comme ça. C'est tout. C'est pas plus compliqué que ça. A l'Aromatario, c'était (dés)organisé de cette manière-là. Cela dit, on y dormait bien. On y mangeait bien. On était dans un monde à part. Une preuve s'il en fallait : les chambres n'avaient pas de TV et ça, c'était parfait!

mercredi 10 juillet 2024

Vivre : un, deux, trois, soleil

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Un ballon. Deux chevaux. Trois chevreuils.
A l'horizon : la naissance de mille soleils.
 
 
 

mardi 9 juillet 2024

Vivre : à nos matins incertains

 
 








 

 
On ne sait jamais. On ne peut pas savoir. Au jour qui se lève, on aurait envie de demander : Les blés dorés vont-ils se faire arroser ?

lundi 8 juillet 2024

Vivre : battre la semelle

 
Guarigione di Ananio (détail) / Marco Basaiti / Gallerie Accademia / Venezia
 
Cet été, la météo est-elle pourrie ? A quoi bon porter des jugements sur le temps ? Il fait... le temps qu'il fait. Autant le prendre comme il vient. Toujours est-il qu'entre matinées pluvieuses, menaces d'orages et orages avérés, les possibilités d'aller nager - surtout en rivière - ont été quasi nulles jusqu'ici. Le débit de l'Aar était de 550 m3/s. ces derniers jours. Habituellement, il oscille entre 170 et 220. Peu de gens se risquent à plonger. A vrai dire : personne ne semble vouloir se lancer dans les flots tumultueux qui suivent les nuits de tempête. Je me contente de nager dans l'eau des bassins et... je marche, histoire de me dépenser. Je marche dès le matin avec le chien. Je marche au cours des heures suivantes. J'adore marcher en écoutant les arbres babiller. Résultat : en moins de 15 jours, je me suis retrouvée avec trois paires de baskets bonnes pour la poubelle. Je réalise que leur semelle est fendue quand j'entends un drôle de couinement à chacun de mes pas. Je me retrouve avec les pieds détrempés et des chaussures qui piaillent comme une portée de poussins affamés. Godillots de marque ou pas, aucune différence : il faut les remplacer. En revanche, le beau maillot acheté à Majorque l'an dernier est encore muni de son étiquette. Il reste suspendu comme une âme en peine et semble totalement déprimé. Comment lui expliquer, que c'est juste l'été de cette année... ?


dimanche 7 juillet 2024

Vivre : médication

 
Orazione nell'Orto / Marco Basaiti / Gallerie Accademia / Venezia
 
 
La frustration : une déception qu'on peine à digérer. 
La gratitude : de l'Alka Selzer pour nos besoins niés.
 

samedi 6 juillet 2024

Lire / Vivre : still life / 150

 

 
Fais un choix d’écrivains pour t’y arrêter et te nourrir de leur génie, si tu veux y puiser des souvenirs qui te soient fidèles. 
C’est n’être nulle part que d’être partout.
 
Lettres de Sénèque à Lucilius / II : Des voyages et de la lecture
 
L'été est la période idéale pour relire. Méditer sur ce qu'on a déjà lu, tout ce qu'on y a vu et ce qu'on peut encore y trouver. Partir à la découverte de nouveaux écrits, trouver d'autres plumes, d'autres sources d'inspiration, d'autres styles et les apprécier, c'est une ouverture sur le monde, une autre focale. Dans une constante nouveauté, on peut trouver de quoi se stimuler (et aussi de quoi se fuir). Retourner à un texte et y déceler des choses qui nous avaient échappé, c'est comme retrouver un vieil ami, se glisser dans un vieux pullover. Une forme de fidélité, une continuité.
 
Ces jours-ci j'ai repris L'éveil des sens, le livre de John Kabat-Zinn qui contient la somme de sa méthode, les fondements de ses réflexions et les conclusions de ses recherches. Un livre ami dont je ne me lasserai jamais. Le chien l'a adoré. Il l'a même dévoré. Tout compte fait, ce ne serait pas du luxe de le racheter.


vendredi 5 juillet 2024

Vivre : still life / 149

 


Parfois, le ciel daigne s'ouvrir et nous offrir une illusion d'été. Le chien s'étend alors durant des heures sur la terrasse, offrant sa panse à la chaleur avide de le dévorer. Il me semble à chaque fois proche de se liquéfier. A l'ombre, j'enfile mon tablier japonais. Je me lance. Cuisiner est une des activités que je préfère (l'autre jour, j'ai soigné une méchante céphalée en retroussant mes manches pour préparer une ciambotta, peut-être pas des plus authentiques, mais certainement des plus roboratives.) Ce matin, en rentrant, nous avons trouvé un bon kilo de groseilles devant notre porte. L'occasion de me lancer dans quelques expériences : mixer ou pas ? filtrer ou pas ? ajouter quelques abricots pour atténuer l'acidité des Ribes ? jeter négligemment quelques tronçons de vanille, une ou deux étoiles de badiane ? et pourquoi ne pas tenter un alliage avec la rhubarbe miraculeusement trouvée sur le marché ? 
Les heures passent que je ne vois pas passer. Les podcasts se suivent qui veillent à me cultiver. Les confitures s'alignent qui seront testées pas plus tard que demain sur de belles tranches de pain frais.

jeudi 4 juillet 2024

Vivre : livres à vous

 
Ritratto di Giulio Clovio (dett.) / El Greco / Museo di Capodimonte / Napoli
 
 
Peut-on prêter ses livres ?
Oui. Bien sûr. A condition
de les considérer comme donnés.

mercredi 3 juillet 2024

Vivre : blanc-seing

 
Annonciation / Artemisia Gentileschi/ Museo Capodimonte / Napoli
 
 
entendre une voix amie, une vraie, de celles qui viennent vous dire
qu'il faut oser, oh oui, absolument, impérativement oser s'autoriser.

mardi 2 juillet 2024

Vivre : still life / 148

 

 
Il y avait de la magie dans l'air, ce matin-là. On éprouvait un je-ne-sais-quoi, un va-savoir-quoi qui emportait toutes les probables sources de tension ou d'hésitation. Durant les heures magiques, on respire autrement, on marche autrement, on accomplit tous les gestes avec plus d'assurance. Tout devient évident. 
 
J'avais emmené le chien le long d'étroites ruelles jonchées de vélos et d'affiches décollées. Je l'avais longuement cajolé tandis que nous attendions que R. sorte d'un petit musée. Il faisait encore frais. Sur la place, une chienne noire courait furieusement après sa balle corail. Le rouge et le noir s'emballaient dans la poussière estivale.  Il soufflait un vent doux, presque timoré qui effleurait les cheveux et les vêtements légers.

Un saxophoniste très blond est venu s'installer sous les murs du Palais. Il s'est mis à jouer. De son corps émanait un souffle puissant. Il y avait dans son jazz quelque chose d'envoûtant. Il est rare qu'un corps et un instrument s'expriment de concert aussi harmonieusement. Quand R. nous a rejoints, midi sonnait. On a décidé de s'attabler devant le musicien pour mieux savourer. Les passants défilaient. Ils marquaient presque tous un arrêt. Les piécettes carillonnaient.

L'homme et son instrument jouaient comme s'ils avaient tout leur temps. On ne parlait pas. Ou très peu. On écoutait. On regardait. On était dans un mélange de grâce et d'émerveillement. Une fille un peu ronde s'est approchée du chien en demandant si elle pouvait le caresser. Le chien a approuvé. C'était une fille timide, ça se voyait que la demande lui avait coûté. Puis, elle s'est relevée, soulagée d'avoir osé. La musique continuait de nous bercer. Elle nous a bercés longtemps. L'ombre tremblait. Le soleil grignotait. Il a mordu notre table juste au moment où le musicien a rangé son instrument. Alors on s'est levés, comblés.

Ils sont somme toute assez rares, les moments où la vie se soulève comme un ballon d'enfant, où l'on voudrait suspendre le temps, parce que ce n'est pas vrai qu'on ne reconnait le bonheur qu'au bruit qu'il fait en partant. Alors, en rentrant, je lui ai offert ce minuscule coffret pour qu'il y glisse un mot, un seul, en guise de symbole. Pour plus tard. Pour quand ce serait nécessaire. Pour garder quelque part un peu de cette plénitude avec tout ce qu'elle recelait de mystère.

 

lundi 1 juillet 2024

Vivre : laisse passer le tonnerre qui gronde

 

Le passé est passé. C’est l’évidence même. Rien ne saurait le faire revivre, si ce n’est notre volonté de nous en rappeler, d’y plonger, de le raviver. Le passé est passé. Quand nous nous souvenons de choses agréables, nous les enjolivons, nous voulons les retenir et nous nous retrouvons trop vite navrés en les voyant se dissiper. Quand nous nous souvenons de périodes douloureuses, nous croyons y être ramenés, mais… non, le présent est là, bien là, comme un monticule d’où nous pouvons mettre une main en visière et contempler. Le passé est passé et, au bout du compte, les souvenirs, comme le reste, ne sont que des nuages destinés à s'évaporer.