mercredi 24 juillet 2024

Vivre : en chantier

 

Femme aux mains jointes / étude / Pablo Picasso / Musée Picasso / Paris
 
 
On a choisi de s'asseoir à cette terrasse parce que c'est la plus agréable de la place. Bien ombragée, tables propres, fauteuils douillets. Elle s'approche, un top ouvert sur son ventre ultra plat, deux anneaux argentés au nombril. Ses seins proéminents comme des melons détonnent sur sa silhouette maigre et musclée. Elle esquisse un sourire et demande ce qu'on veut consommer. Ses lèvres bougent à peine, on dirait une actrice mal doublée. Malgré la chaleur, une couche de fond de teint lui tient lieu de bouclier face au monde et fige ses traits. Ses sourcils : de grands tracés noirs qu'un Picasso aurait esquissés. Ses cheveux : des mèches lisses et volumineuses, le coiffeur de Brigitte Macron a dû l'inspirer. 
 
Qu'a-t-elle d'authentique, cette fille qu'on croirait en toc, qui doit avoir trente ans à tout casser ? Au fond de ses prunelles, on devine des trésors de sensibilité. On voudrait lui dire qu'elle pourrait être elle-même et que ce serait bien assez. Mais, être elle-même, ça ne veut rien dire pour elle qui poursuit son mirage : s'inventer. Du reste, elle se réjouit des pourboires : après ses lèvres, ses seins, sa chevelure, c'est son nez qui doit impérativement être refait.


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