jeudi 5 septembre 2024

Regarder : kiffer l'enfance

 
Skeme courant sur le toit d'un métro / 1982 / AU NOM DU NOM / Arles 2024
 
 
 Dondi 1982 graffe un wagon entier dans la gare de triage de New Lots / 1980 / AU NOM DU NOM / Arles 2024
 
 
Dez (alias dj Kay Slay) graffe un train dans le 3 Yard de Harlem / 1982 / AU NOM DU NOM / Arles 2024

De 1977 à 1980, Martha Cooper était photographe pour le New York Post. Entre ses missions, elle photographie des enfants jouant entre les décombres des quartiers défavorisés. Cette nécessité de détourner l'espace public, de mettre son corps et son imaginaire en mouvement contre les assignations l'a menée à documenter plus tard les pionniers et les pionnières du hip-hop.  Elle dit : "Les quartiers les plus pauvres de la ville avaient la vie la plus riche et mon endroit préféré était Alphabet City, au nord de Houston Street entre les avenues A et D. Dans les années 70 la région était en plein renouvellement urbain, un processus qui se poursuivait encore vingt-cinq ans plus tard.[...] Aux yeux d'un adulte le paysage était laid et menaçant, mais pour un enfant les bâtiments abandonnés et les terrains jonchés de débris constituaient un terrain de jeux parfait, offrant des matériaux bruts et de l'espace ouvert pour jouer de manière improvisée." (présentation Museum of the City of NY)
 Portrait d'Edwin / 1978 / AU NOM DU NOM / Arles 2024

Les photographies de Martha Cooper ramènent à la pure vitalité, celle de l'enfance et de l'adolescence, ce monde sans complexes et sans limites où l'inventivité peut s'exprimer en dehors de toute comparaison. Ces îlots d'avant les sélections et les dévalorisations, d'avant la confrontation avec les questions de classes et de différences sociales.
 
 
AU NOM DU NOM / Arles 2024
 
Un enfant pauvre qui joue dans un quartier pauvre où il est né n'a pas conscience de ce que la société définit comme sa pauvreté. Il ne s'en trouve pas dénigré. Pourquoi le serait-il ? Ce sont les regards extérieurs qui plus tard viendront lui dire qu'il est défavorisé, lui colleront l'étiquette de démuni pour le stigmatiser. Lui, il s'invente des mondes, des univers, des espaces. Lui joue, rit, pleure, pourvu qu'il ait la chance de trouver suffisamment de place et d'amour pour pouvoir grandir en liberté.

Boy on Stilts, Lower East Side / 1978 /AU NOM DU NOM / Arles 2024

Ces images m'ont rappelé l'appel des cabanes de mon enfance sans cesse détruites et toujours recommencées. Le bonheur des jeux inventés et des genoux écorchés. La pauvreté, la véritable pauvreté, c'est le manque de reconnaissance, le manque de mots, de perspectives et de créativité. 
 
  Enfants / Lower East Side / 1978 / AU NOM DU NOM / Arles 2024

"Si ça ce trouve, ils sont plus riches que nous" a lancé l'autre jour un maraîcher après avoir tendu quelques pièces à un couple de vagabonds accompagnés de leur chien. Qui sait, en effet, de quoi le manque des autres est fait ? Et qui saura la misère de ceux qui vont chercher leur bonheur dans les allées des centres commerciaux et autres hypermarchés ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire