Etude de fesses / 1884
Hier, nous aurions voulu aller voir l'exposition itinérante consacrée à Yayoi Kusama, hébergée actuellement par la fondation Beyeler. Mais c'était oublier combien l'artiste est prisée. Le musée affichait complet (à moins de partir aux aurores pour arriver à l'ouverture ou de rester jusqu'à tard dans la soirée pour faire la fermeture). Nous avons donc dirigé nos pas vers la rétrospective Valotton Forever consacrée au peintre dans sa ville natale à l'occasion du centième anniversaire de sa mort.
Petit trajet, peu de monde, l'idéal.  
Comme toujours, les rétrospectives offrent l'occasion de considérer la trajectoire globale d'un artiste, souvent connu pour quelques œuvres majeures, mais moins bien cerné dans son évolution. Opportunité aussi de méditer à propos de ses allers et venues, entre attention soutenue aux réalités sociales de son époque et à des scènes d'intérieur, entre mouvements artistiques divers et représentations de l'intime. Une exposition captivante, mettant en évidence les recherches de Valotton, en matière de composition, de couleur et de figuration.
Appréhender un travail artistique, c'est souvent tourner le dos aux lieux communs, s'approcher, peu à peu, par cercles concentriques, avancer, revenir sur ses pas à travers les salles, rejoindre des chefs-d'oeuvre, les découvrir en face à face. Ou alors se focaliser sur les détails qui prêtent à bon nombre d'interrogations.
Femme fouillant dans un placard / 1901
Ainsi, cette femme penchée devant un placard illuminé, dans un tableau où domine le noir et où sont mises en évidence des piles de linges de maison qui attirent toute la lumière, offre une scène des plus banales et en même temps des plus mystérieuses. Que cherche donc cette femme accroupie devant deux boîtes placées sous les étagères ? Juste un certain modèle de serviettes ou quelque chose de plus personnel, escamoté aux regards domestiques ?
Et ce couple, se tenant dans une loge de théâtre, sujet d'une peinture d'une simplicité extrême, mais qui donne néanmoins matière à toute une série d'interprétations. Que regarde l'homme, assis en retrait par rapport à sa compagne ? Et qu'est-ce qui attire l'attention de celle-ci, inclinée en avant, appuyée à la balustrade ? Porte-t-elle simplement le regard sur un programme ? Cherche-t-elle un personnage assis au parterre ? Est-elle prise par des pensées étrangères à leur relation ? 
Progressant dans l'exposition, on réalise qu'avec une économie de moyens, un accent mis sur la composition et les aplats de couleurs, l'artiste invite les spectateurs à découvrir quantité de réalités énigmatiques. 
Dans le tableau intitulé Le repos des modèles tout pourrait paraître évident : l'artiste représente deux jeunes femmes devisant lors d'une pause, dans le cadre d'une scène somme toute ordinaire. Mais on réalise très vite qu'il peut s'agir de bien autre chose. Nous nous demandons si nous nous trouvons dans le salon de Valotton, puisque le miroir derrière les deux personnages reflète aux côtés d'un lourd rideau deux tableaux connus, un paysage aux accents nabis et surtout le portrait que l'artiste a fait de ses parents alors qu'il était âgé d'à peine 21 ans. Ce tableau peint durant sa prime jeunesse, nous réalisons que l'avons découvert tout au début de l'exposition, dans la première salle, et voici qu'il est relégué ici comme au second plan, derrière une modèle représentée en Olympia, on dirait que le peintre veut nous montrer qu'il entre dans une nouvelle phase de sa carrière et qu'il entend donner un nouvel élan à son activité créatrice.
Cette peinture est-elle une sorte d'autoportrait en creux (Valotton en a réalisé passablement durant toute sa vie), a-t-il voulu exprimer qu'il est passé en cette date de 1905 à une autre étape ?
En quittant l'exposition, on repense à nombre de toiles comme celles-ci, qui prêtent à des hypothèses et une fois encore, comme pour des livres qu'on a envie de relire, on se demande s'il ne faudra pas prochainement revenir ici, retourner aux œuvres, leur tourner autour rien que pour le plaisir de s'interroger et s'interroger encore.




 
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