ZEUS Cheval JO 2024 / Atelier blam / exposé cours Cambronne
Les lieux sont comme des personnes et la ville me l'a bien rappelé. Ce n'est pas que je ne l'aie pas appréciée, mais peut-être que ce n'était pas le bon moment, pas la bonne saison, pas mon choix premier. Comme certains individus que l'on a croisés et qu'on a laissés partir sans qu'ils nous aient vraiment marqués et dont on se dit qu'on va les revoir un jour, qui sait ?
Passage Pommeraie
Pourtant, la ville était belle, on pouvait lui reconnaître une multitude de qualités. On avait apprécié tout d'abord l'élégance aristocratique de ses façades, et l'ampleur de ses places, qui la scandaient de rue piétonne en rue piétonne avec majesté. Il y avait ses brasseries, ses passages, ses chocolateries. Il y avait aussi une remarquable librairie qui aurait pu donner à n'importe qui le goût de s'aventurer dans des territoires insoupçonnés. Il y avait ce restaurant penché sur la Loire et de là-haut on la voyait embrasser une île grouillante d'activités. Mais surtout, surtout, ce qui frappait, c'était cette sorte de fierté des habitants, cette droiture, cette solidité, ce franc-parler. C'était une ville où l'on offrait ce qu'il y a de meilleur de son terroir, de sa culture, de son histoire.
Puits de la cour intérieure et tour de la Couronne d'Or / Château des Ducs de Bretagne
La ville savait aussi se retourner vers ses ombres passées. C'est dans son principal musée, dans les salles consacrées au commerce triangulaire, que subitement on a réalisé ce qu'avait pu signifier l'esclavage. Des êtres humains comme des marchandises, des bêtes, des choses malmenées. Là, d'un coup, devant une vitrine, on s'est sentie sur le point de s'effondrer. Plus surement que des mots qui s'adressent à la raison, la force des images peut aller droit au cœur, et lui dire combien le mépris des personnes et du vivant est chose barbare. La traite comme un minerai. Le profit comme seul projet.
Illustration / Musée d'histoire / section
La muséographie prévoyait d'établir un pont entre l'esclavage des
temps passés et celui des temps modernes. Alors on pensait immédiatement aux échanges ayant cours dans notre univers mondialisé, tous les
biens extorqués au Sud, toutes ces choses dont on se gave, tout ce qui concourt encore aujourd'hui à notre
bien-être et à notre manière folle de consommer. Au Mémorial de l'abolition de l'esclavage ce sujet était également abordé.
Sculptures hyperréalistes de Nantais / Willem de Haan / place Royale
(en remplacement des statues en restauration)
Il y avait aussi là-bas tous ces jeunes SDF, accompagnés de leurs clébards, qui envahissaient les pavés tandis que le soir tombait, des chiens craintifs qui poussaient une beuglante dès qu'on s'approchait pour une pièce, des chiens punks, avec d'anciens piercings sur les oreilles, des chiens lacérés qui s'étaient trop battus, sur trop de trottoirs, des bêtes faméliques et des toutous qui voulaient se faire dorloter.
Et il y avait encore toutes ces rues animées, dont on s'appliquait à lire les noms bilingues, des couloirs urbains où se succédaient des restaurants, toutes sortes de restaus qui permettaient de voyager, indiens, asiatiques, africains, bretons et même français.
Beffroi de l'église Sainte-Croix
Tout compte fait, en écrivant deux ou trois choses sur elle, tout bien
pensé, on réalise que cette ville, qu'un air marin traversait comme un vent de liberté, cette ville avait vraiment quelque
chose, quelque chose d'unique et qu'elle nous plaisait. Oui, cette ville, on se surprend à la tenir en haute estime. En fait on devine qu'on l'a aimée. Et comme
pour tant de personnes croisées, trop hâtivement, trop rêveusement, c'est avec un certain regret que
désormais on va y repenser.
Passage Sainte-Croix / Panneau suspendu
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