vendredi 26 décembre 2025

Voyager : arriver aux P.B.

 

 
La première fois que je suis arrivée aux P. B., c'était un soir de décembre. La nuit était tombée, nous étions en retard. Il y avait eu quelques tensions dans l'habitacle car notre GPS nous avait salement plantés dès la sortie de l'autoroute. Nous avions parcouru l'étroit chemin qui menait à cette vieille demeure accompagnés par la lueur blême de la Chartreuse qui veillait sur la colline d'en face. Je me souviens : le silence humide, les gouttelettes de brouillard, la sensation extraordinaire d'entrer dans une autre dimension, hors du temps, hors des tensions de l'Histoire.
 
  
 
Depuis, j'y suis retournée, toujours en hiver, toujours accueillie par le sapin et les lumignons palpitant sur les pierres. Toujours dans la même chambre un peu trop chauffée, avec toujours sur un vieux divan le même gros matou qui aime un peu trop se bagarrer. Quelle que soit l'heure, là-bas il ne fait jamais nuit noire. Dans l'obscurité qui n'est jamais tout à fait obscure, il fait bon partir à pied, rejoindre parmi les ombres un coin où manger. Sur le trajet, en longeant des rangées d'oliviers et de cyprès, on se prend à tâtonner, à glisser sur les graviers. L'air y est chargé de souvenirs, c'est un air dense et italien, senteurs de bois, présences animales, fantômes veillant sur leurs terres ancestrales, parfois quelque oiseau poussant un cri guttural.  
 
 
 
Dès les premiers pas, on se sent basculer dans un autre univers. On oublie tout ce qui constitue le monde, ses cruautés, ses rythmes, ses nécessités. Au bout de quelques virages, on se retrouve installés près d'un feu de cheminée, dans une vieille osteria élégamment décorée, presque cossue, dont on apprécie tout particulièrement les vins proposés.
 

 

Au retour, on avance avec prudence, évitant les nids de poule, tendant l'oreille aux froissements et aux hululements. Au loin, la ville superbe et tapageuse se devine à sa manière de blondir le ciel à l'horizon. On commente les mets dégustés, ribollita, peposo, artichauts en beignets. On frissonne sous l'effet conjugué de la fatigue et du chianti, et on progresse vers la noble bâtisse, avec la certitude qu'elle saura nous ouvrir ses portes et nous envelopper de silence et de chaleur. 
 

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