mardi 11 mai 2021

Habiter : la fourmilière

 
La sortie / Roy Lichtenstein / Albertina / Vienne
 
L'observation d'une maison est aussi intéressante qu'un précis d'entomologie. Les objets ressemblent à des fourmis qui vont et viennent, s'activent, se révèlent indispensables (et aussi parfois cassables). 
Une maison qui vit, que l'on soit sensible à l'usage des choses, que l'on se refuse au gaspillage, que l'on soit précautionneux ou maladroit, ne cesse d'évoluer. Un verre tombe. Aïe! C'était le préféré. Il s'agira de le remplacer. La bouilloire rend l'âme après dix ans d'irréprochable activité : il en faudra une rouge, bosseuse et racée, apte à lui succéder. On affiche une carte à l'entrée, texte imprimé en noir sur fond canari : Excuse the mess, but we live here. C'est bien de cela qu'il s'agit : une maison, ça bouge, ça vibre.
Ainsi, les objets, indicateurs de vitalité, s'invitent dans tout l'habitat, impulsent des échanges et des changements, innovent allègrement. Surgissent de nouvelles couleurs, de nouvelles formes, de nouveaux formats. Un coussin, un bouquet, une table basse. Une assiette, un deuxième coussin, une jolie tasse. Une maison est une fourmilière qui danse, valse discrète ou tango passion, un organisme vivant en constante mutation.
Les maisons rances, recluses, délaissées, sont celles où rien ne change jamais. Elles retiennent tout, n'intègrent rien, ne voient plus le temps passer : des horloges arrêtées, des aiguilles qui refusent de tourner. Elles sont poussiéreuses, même si on y passe la poussière. Elles sentent le renfermé, même quand on les aère. Des lieux où personne n'a le désir de s'inviter, parce qu'il n'y a aucun espace pour la nouveauté.
Il y a aussi les maisons déstructurées, stressées, désordonnées. Les lieux où tout se déplace, où rien n'a vraiment de place. Tout change tellement, et tout le temps, que plus rien n'a d'importance, au cœur du chambardement. Oui, les maisons sont les reflets de leurs habitants. Chacune de leurs pièces est une biographie. Chacun de leurs recoins une page de vie On les observe et on comprend. On regarde et on apprend. 

4 commentaires:

  1. De moins en moins d'objet
    pour que la lumière ne s'accroche pas
    et puisse donner pleinement vie à l'espace
    et laisser la nature entrer par les larges baies vitrées

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    1. Que voilà un beau programme ! J'y adhère complètement. Le moins le mieux le suffisant le joyeux.
      En parallèle... qu'on le veuille ou non, des objets entrent, des objets sortent, fleurs, tableaux, vaisselle, livres, chaussures, les choses passent, se renouvellent, bougent à l'intérieur de la maison. En bon français : c'est un turn over permanent. On pourrait dire que le vide, le minimum sont à souhaiter, mais en même temps ces objets qui bougent sont le signe de la vitalité des habitants de la maison.
      Une journée joyeuse dans ta maison heureuse.

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  2. On apprend beaucoup sur les gens en visitant leurs toilettes…

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    1. Chacun voit midi à sa porte, comme dirait la maison.

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