lundi 3 mai 2021

Lire : lire, se dire et peut-être écrire

 
Raysse / Tableau à haute tension / Elaine Sturtevand / Amsterdam
 
 
Elle, depuis qu'elle a repris, je n'ai pas manqué d'aller la lire, tous les jours, à la même heure (à huit heures précisément). Elle, évidemment, ne me connaît pas, ne sait rien de moi, tandis que moi je sais, je sais tout ce qu'elle a bien voulu révéler sur elle.  
Je me dis parfois que je devrais lui écrire, à force de la lire, de la découvrir. Je me dis que je serais autorisée, légitimée à lui adresser quelques remarques sur ce qu'elle fait (des remarques futées, encourageantes, mais aussi justes, un brin sévères, sur ce qu'elle présente et sur ce qu'elle pourrait approfondir). Elle, évidemment, j'aurais souvent envie de la congratuler pour sa manière originale de s'adonner à vivre et de vivre pour créer. C'est elle, si différente, un peu distante, qui m'a appris à bloguer, avec ses descriptions tout en esquisse et en brièveté, son application à décrire sans jamais s'impliquer, sa façon disciplinée de se donner à lire sans rien espérer (pas du genre à s'exhiber et encore moins à attendre d'être approuvée).
Elle, elle me donne envie de voyager, de me remettre à dessiner, elle me fait découvrir des textes insolites et des bistrots hispaniques, de nouvelles conceptions de l'ennui, de la vie, de la photographie.
 
Elles, elles m'écrivent parfois. Pas souvent, mais quand même. En deux trois mots, on les sent qui s'avancent, qui s'approchent ou qui voudraient s'approcher, déborder du formulaire. Elles, je me demande ce qu'elles trouvent ici, comment elles viennent et pourquoi elles reviennent. Elles, je voudrais leur dire qu'un blog, pour moi, c'est avant tout une source de joie : des billets façonnés dans la glaise jubilatoire des mots et des images et dispersés aux quatre vents en partage. Si des messages sincères arrivent, je les prends comme des cadeaux. Si des remarques distraites ou autocentrées tombent, je les laisse tomber (c'est dommage de gaspiller). Quant aux chiffres et aux papillonnages, ils ne me correspondent pas. Viens chez moi, je commente chez une copine ne me tente pas plus que ça. 

Entre elle et elles, il n'y a aucun lien. Les amis de mes amis ne font pas forcément ami-ami, ne sont pas amenés à se croiser ni à se captiver. Les blogs, ils appartiennent à la nébuleuse de la vie, des molécules qui s'évadent et qui s'éparpillent, des électrons libres qui se dispersent. Ce sont des jeux de découverte, des escapades, des tentatives et des trouvailles. Des belles surprises aussi.

(Bon, pour en revenir à elle, il faudra bien que je me décide. Une fois.)


4 commentaires:

  1. Je ne connais pas Elle mais vous me donnez envie de la connaître, par blog interposé bien sûr.

    Pourquoi est-ce que je vous lis presque chaque jour? Je n’oserais répondre, pour des raisons similaires à votre Rdv quotidien avec Elle peut-être. Une rencontre, quelques affinités, une envie d’ailleurs,une soif d’avancer, de découvrir encore et toujours peut-être, une sincérité, une vérité et tout ceci sans flagornerie et en toute sincérité.
    Bien belle soirée.


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    1. Intéressant, votre retour, je vous en remercie.
      Le blog dont je parle (un des deux que j'ai préférés durant toutes ces années de lecture) n'a pratiquement jamais de commentaires (je crois qu'Elle ne les encourage pas). Longtemps, j'ai cru que c'était la seule, la meilleure manière de procéder. Je pensais que l'essentiel était montré, écrit, exprimé au fil des billets et qu'on pouvait passer lire, librement, un peu comme on lit un livre, ou qu'on regarde au musée.
      "Elle" m'a beaucoup aidée, sans le savoir évidemment, il y a quelques années quand je me sentais étouffer les derniers temps dans mon travail et qu'à la lire je voyais qu'un autre monde était possible (plus de culture, moins de procédures).
      J'ai un peu changé ma vision depuis que Magari! existe. Les commentaires respectueux peuvent apporter des encouragements, des échanges, d'autres regards. Ils peuvent enrichir des réflexions. Et en ce sens, ils sont très positifs.
      Par ailleurs, beaucoup de gens tiennent des blogs en guise de lien social, pour échanger avec d'autres gens, un peu comme dans la vraie vie. Cela donne lieu à beaucoup de mots, de glucose, de passages pour le contact, de recherche d'approbation et de réciprocité. On pourrait distinguer : un blog qui donne en partage des expériences et des coups de cœur et un blog qui vise à la socialisation. Ce n'est pas tout à fait la même chose.
      (bien entendu, on ne parle pas des blogs de promotion, tenus par des artisans, des artistes, des écrivains, ou même des blogueurs culinaires désireux de gagner leur vie et qui ont besoin d'une vitrine).

      En ce qui me concerne, je commente seulement si un sujet m'interpelle ou que je "sens" que je peux apporter un éclairage. Sinon, j'aurais facilement une impression d'inutilité.
      Houlà : Longue réponse, à ce que je vois... il est temps de vous souhaiter une très belle, très heureuse soirée.

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  2. Oh! J’ai oublié. Quel beau tableau!

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    1. Je n'avais pas vu cette remarque : n'est-ce pas que ce tableau est d'une stupéfiante beauté ? Elaine Sturtevant en a fait une petite dizaine, tous semblables, mais avec de petites variations. je le trouve... lumineux!

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