samedi 1 mai 2021

Vivre : deux mystères

 
Portrait de deux jeunes hommes / Anonyme vénitien / Le Louvre / Paris
 
 
Pourquoi les ondées de bonheur sont-elles si proches de la tristesse ? Pourquoi un élan de joie charrie-t-il des larmes le long de nos joues ? Pourquoi à se sentir comblé peut-on avoir l'impression de se noyer ?
Pourquoi ? Peut-être parce que les émotions que l'on nomme positives nous ramènent à tous les bonheurs attendus mais jamais reçus et que les recevoir renvoie à tout ce qu'on n'a pas pu obtenir. Ou alors peut-être qu'on ne se sent pas légitimé à accepter cette part du gâteau que la vie vient nous présenter sur un plateau. Peut-être qu'il est question d'imposture. Et si elle se trompait, la vie, de destinataire ?

Pourquoi porte-t-on en soi des histoires qu'on n'a jamais vécues ? Pourquoi peut-on comprendre (mieux : connaître) des offenses, des malheurs qu'on n'a jamais eus à endurer ? Pourquoi se retrouve-t-on à compatir au lieu de seulement assister ?
Pourquoi ? Peut-être que nos émotions sont comme des arbres, dont les racines communiquent entre elles et qui peuvent se relier d'autant mieux qu'elles se rattachent de manière souterraine. Peut-être qu'en secret chacun vit d'autres vies que la sienne. Peut-être que nous avons beaucoup plus ressenti, subi, expérimenté que ce que notre mémoire veut bien témoigner. Notre savoir pourrait se révéler bien plus vaste que tout ce que nous croyons avoir engrangé.

4 commentaires:

  1. J'aime à penser qu'est déposé en nous toute l'aventure de l'humanité depuis son aube. Combien de millions d'années a-t-il fallu pour arriver au génome humain tel qu'il est le nôtre actuellement. Combien de milliers d'années pour développer l'ensemble des techniques, des savoirs dans tous domaines qui nous amènent à aujourd'hui, grâce aux milliards d'humains envers qui nous devons avoir la reconnaissance d'être arrivés à notre stade.
    Combien de milliers de morts avant que l'on sache, sur l'ensemble de la planète, que certaines plantes qu'on ingère étaient mortelles pour l'homme ? Comment s'y est-on pris pour que notre mémoire collective soit enseignée sur ce point. Et il en est de même pour des millions d'autres réalités.

    Toutes les vies sont en nous. Notre mémoire organisme s'en souvient mais notre capacité à comprendre et développer l'extraordinaire potentiel énergétique de ce dépôt vivant en nous est excessivement limitée. C'est pourquoi il nous reste à se montrer très humble. Alors qu'habituellement, nous nous croyons tout-puissants

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    1. Ce que tu dis me fait penser à l'empreinte de l'ange (titre d'un roman d Nancy Huston et surtout légende talmudique, selon laquelle, lorsqu’un enfant naît il possède encore le savoir de ses vies antérieures. C’est alors qu’un ange apparaît et lui enjoint de tenir ce savoir secret en posant son doigt sur la lèvre de l’enfant. A cet instant précis le bébé oublie tout pour entrer dans la vie.) Sceau de l'ange ou explications plus rationnelles, c'est certain, nous avons d'immenses potentiels que nous n'exploitons que très partiellement. Nous ne savons pas que nous les avons. Nous ne savons pas où et comment les rechercher..
      Le fait de réaliser l'étendue de notre non-savoir permet d'être humble, en effet, et aussi de commencer à explorer. Mesurer tout ce que nous ignorons est peut-être déjà une forme de savoir ? Belle journée!

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  2. Tant d'interrogations dans ce billet! Que de questions en suspens!
    Pourquoi s'auto-limiter dans l’accès au bonheur? Se sentir imposteurs? Réflexes anciens, tendances anxieuses et mélancoliques? Souffrances enfantines ou autres non exorcisées....?
    Apprendre à être plus optimiste, accueillir chaque petit bonheur de la vie. Cultiver son jardin en quelque sorte! Laisser le soleil entrer dans notre vie.
    Et puis, oui! Je pense que nous portons des valises qui ne sont pas les nôtres. Notre capital génétique tant physique que psychologique. Transgénérationnel, épigénétique....tant à découvrir encore.

    Vous évoquez "le saut de l’ange" de Nancy Huston. Son dernier roman, "l’arbre de l’oubli", aborde bien des sujets également: filiation, recherche d’identité,racines, esclavage, familles et GPA...
    L’arbre de l’oubli est un arbre, en Afrique, devant lequel se tenaient les enchères pour la vente des esclaves.Les hommes et les femmes esclaves devaient en faire le tour X fois pour oublier famille, histoire, culture et identité afin de devenir des êtres sans volonté. Beaucoup de symboles dans l’œuvre de cette écrivaine fantastique.
    Je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle.
    Belle fin de journée.

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    1. Ouvrir grand les bras au bonheur : une bien belle proposition. On ne peut pas s'empêcher de ressentir et de s'interroger, mais on peut choisir dans quelle disposition on fait face aux questions.
      Quant à Nancy Huston, je l'ai entendue récemment parler de ce livre. Elle donne une impression de belle maturité. Les rides et l'âge lui vont bien. Elle parlait de sa mère, qui est partie en confiant les enfants à leur père et elle paraissait très apaisée avec tout ça. Du chemin parcouru, depuis la "Virevolte"!
      Et oui, je comprends que vous ayez fait le parallèle entre ce dernier roman et le billet. Tiens! Encore un livre sur la PAL!
      Belle soirée à vous!

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