vendredi 9 août 2019

Voyager : de marché en marché


Les effets du bon gouvernement (détail) / Ambrogio Lorenzetti / Palazzo communale / Siena

Les guides et les voyagistes proposent toujours des tours de ville et des visites de monuments, mais le moyen le plus fiable pour approcher une ville, son esprit et celui de ses habitants est de se mêler à la cohue de ses marchés. Des plus rugueux au plus huppés, ils disent la vie du lieu mieux que n'importe quel discours ou analyse affutée.
Où que l'on aille, quel que soit le coin de terre que l'on est amené à visiter, c'est parmi la foule grouillante, là où se tisse le social, qu'on apprend à connaître les habitants, leurs modes de vie, leurs besoins et leurs difficultés au quotidien. Observer leur manière de se rencontrer, de se connecter, de composer leurs phrases est un délice de voyageur.
Certains marchés sont marqués par l'arrivée massive de touristes, qui font faire des affaires, qui font monter les prix. Qui tendent à dénaturer aussi la véritable fonction des marchés locaux. Combien de marchés provençaux ont perdu leur caractère ces dernières années, devenus trop chers pour les habitants, proposant des produits adaptés à une clientèle touristique en mal d'authenticité. On n'y rencontre pratiquement plus de locaux, qui se voient refoulés vers les hyper, les inter et les super. Cet été, certains marchés du Lubéron où il s'est agi de payer trois euros pour pouvoir se parquer, où certains prix étaient indiqués en livre sterling, où les vendeurs s'adressaient à vous en anglais m'ont poussée à déguerpir vite fait. Le marché de la Boqueria à Barcelone est devenu une carte postale aux couleurs sursaturées. Quant à l'Albert Cuyp à Amsterdam, c'est désormais une attraction où se concentrent des étrangers du monde entier.
A Chieri, petite ville laborieuse au sud-est de Turin, les étals des petits producteurs de la région occupent une large place et les stands de produits non comestibles m'ont comme toujours aimantée. Lingerie, vêtements, nettoyage, outillage, hygiène, on trouve de tout, à bon prix. On parle chiens ou météo avec les ménagères du coin ou les retraités. On échange des recettes de cuisine ou des adresses avec ces habitués tout prêts à converser. Parmi tous les exposants, mes préférés sont les quincaillers. Un pur bonheur que d'avoir affaire à de véritables vendeurs, sachant écouter, conseiller, et soucieux de répondre de leur mieux aux multiples requêtes. Incroyable, la variété qu'ils peuvent proposer. C'est vers eux que l'on peut se tourner pour telle pièce défectueuse introuvable dans le commerce, ou tel ustensile précieux qu'on croyait à jamais disparu. Il n'est pas rare que le vendeur saisisse au bond votre question et vous dise : attendez, avant de disparaître au fond de son camion débusquer l'objet que vous recherchez. Ou alors, il vous répond qu'il peut le récupérer dans son entrepôt et sera en mesure de vous l'apporter le lendemain, au marché d'une bourgade voisine.
Quand il ne peut pas vous dépanner, le vendeur se montre désolé, vraiment peiné, ayant failli à sa mission. Il baisse les yeux, on dirait qu'il subit une défaite. Alors, vous vous penchez sur trois joints d'étanchéité pour une cafetière deux tasses ou sur un bouchon verseur d'huile d'olive ou un panier de récupération pour le lavabo de votre salle de bain, comme si vous en aviez le plus grand besoin. Vous lui souriez avec gratitude en lui tendant une pièce et le vendeur vous gratifie alors d'un regard serein, soulagé d'avoir retrouvé son utilité.

4 commentaires:

  1. Quelle plaie ces touristes...je rigole à peine en écrivant ceci. J'ai sillonné nombre de petites villes pour voir des merveilles d'architectures mais dans nombre d'endroits, je me suis sentie étouffée par la superficialité des devantures de magasins. Un ramassis de babioles pour plaire aux touristes de masse. Il faut vraiment savoir faire son marché et choisir les endroits qui respirent encore l'âme du pays visité. Ouf! J'arrive enfin dans la 2ème partie du voyage, celui où je vais sillonner les sentiers. Je n'y rencontrerai, je l'espère, que des marchands de bonheur! Bises d'ici dans la tempête pour l'instant.

    P.S. ta description du marchand est superbe. Tu devrais vraiment publier à large échelle! Et je vois que tu es allée à Vezolanno! 😊

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  2. Si je comprends bien, chère Dédé, il est maintenant vraiment question de... marcher pour toi. Alors, en marche! Pour moi, aujourd'hui, une belle balade au Jura : depuis que je vois le soir des hectares de forêt sibérienne partir en fumée, je me réjouis de cette belle réserve verte toute proche. Belles, très belles, randonnées!

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  3. Impossible de marcher. Trop de vent...va falloir être patiente. Ce qui n'est pas mon fort. Et pas de marché en vue non plus. Les produits s'envoleraient, les petites devantures aussi. Le Jura devait être plus tranquille. Bises

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  4. Ce n'est que partie remise. A toi les grands espaces dès demain (c'est ce que je te souhaite de tout coeur). Le Jura était magnifique, offrait de vastes pâturages avec vaches et chevaux pacifiques et pas un seul humanoïde alentour (tous attablés sous des parasols dans une chaleur qui devait être infernale). Allez, bonne route demain (attendre que le vent s'apaise est un exigeant exercice de patience et de maîtrise de soi: les randonnées se méritent). Belle nuit. Multitude d'étoiles.

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