vendredi 14 août 2020

Vivre : oser, risquer

Sculpture (titre inconnu) / Carole Feuerman / Biennale Venise 2017

J'ai regardé la femme s'éloigner en pensant à ces enfants qui s'appliquent à faire tout juste, à ne pas déborder en coloriant leur album. Plaire à tous, c'est-à-dire à aucun, mais surtout que personne ne puisse jamais prendre ombrage de quoi que ce soit. Rester dans les tracés, toujours appliquée, toujours adaptée. Surtout, ne jamais rien risquer (ne jamais s'aventurer à envisager la possibilité d'oser).

4 commentaires:

  1. Il y a (environ) une dizaine d'années je me souviens qu'est apparu le concept de la "vie lisse" pour exprimer l'absence de vagues dans les comportements, l'intégration des contraintes, ou comment de manière générale se conformer aux usages et ne pas se faire remarquer ... Selon les opinions (politiques, religieuses, philosophiques ou autres) cette "lisse attitude" était: déplorable, souhaitable, envisageable, ne sait pas.
    Qu'on le veuille ou non, je crois qu'on s'est tous (plus ou moins, à des moments ou d'autres) mis à lisser nos vies en surface, pour avoir "la paix", même si notre éducation, notre histoire, notre tempérament ne nous y portaient exactement.
    Je suis touchée par l'image de cette femme que vous dessinez et qui fait tout bien comme il faut. J'ai de la tendresse pour elle, comme on a de la tendresse pour un enfant qui s'applique "à ne pas dépasser". Ne nous fions définitivement pas aux apparences (à l'image) : elles sont utiles parfois pour nous laisser découvrir ce qui révolutionne en nous.

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    1. J'avoue ne pas connaître ce concept de "vie lisse". Apparu il y a une dizaine d'années ? Cette vie lisse serait un moyen de se défendre vis-à-vis de l'extérieur, de ne pas offrir de prise aux autres, pour pouvoir vivre sa vie intérieure en toute tranquillité ? Si tel est le cas, si je comprends bien, ce serait aussi un moyen de ne pas permettre à la relation de se développer. Ce serait préférer se retrancher dans son monde intérieur plutôt que de se confronter à l'autre ? Dans tous les cas, cette femme esquissée ici semble avoir suscité de l'em- voire de la sym-pathie chez vous. Elle vous a inspirée. Belle journée.

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  2. Suivre la ligne, ne pas dépasser, on risque d’arriver de l’autre côté… sans limites ni frontières.

    Quand j’étais enfant, je devais aussi colorier des formes et des figures, oiseaux, arbres, bateaux et autres maisons. Il s’agissait, disaient les enseignants à mes parents, de former le poignet, la main, pour suivre un trait imprimé, une forme proposée qu’il fallait remplir. Mais il n’y là aucune créativité. L’école ne nous demandait pas de dessiner une forme et ensuite de la colorier, non, c’était déjà du « tout cuit ».

    Mais, il est aussi possible de prendre cet exemple dans un sens plus large, avec du recul : qui dessine la forme ? la ligne à suivre et à ne pas dépasser ? La ligne peut représenter une règle, une loi, et le fait de ne pas dépasser induit un suivisme, un suivisme inculqué, intériorisé : « Tu ne dois pas dépasser la ligne… ». Bref, il faut respecter la loi, mais qui l’a rédigée, adoptée et mise en pratique ? Le respect empêcherait-il même d’oser imaginer la transgression ?
    Gaspard

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    1. Oui, ces coloriages tiennent de l'exercice (renforcement du poignet, de la concentration). Ils tiennent aussi de la norme (rester "dans les clous", savoir suivre une consigne). On nous apprend enfants à nous adapter à ce qui est attendu. Un ensemble de normes imposées pour fonctionner en société. La difficulté est sans doute d'être capable de s'y conformer (très utile quand les circonstances l'exigent) et en même temps de garder notre aptitude à la créativité, à la remise en question, à l'écoute de nos besoins. Car... colorier en restant toujours à l'intérieur des traits, ça peut devenir fort ennuyeux à la fin, non ?

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