Vue de Montagnana (?) avec berger / Giorgione / musée Boijmans Van Beuningen / Rotterdam (photo Wikipedia)
Est-ce bien Montagnana, que Giorgione a représentée dans un dessin à la sanguine à la toute fin du XVe siècle ? C'est en tous cas ce qu'affirment les habitants de la ville, fiers de voir leurs murailles immortalisées. Ce n'est nullement l'avis des habitants de Castelfranco, où le peintre est né, ou de ceux de Citadella, distante d'à peine quelques kilomètres. Cela étant précisé, on trouve encore dans le Veneto quelques beau exemples de villes fortifiées, érigées par les Scaligeri, seigneurs de Vérone, et le dessin de Giorgione, précieux et délicat, a le mérite de montrer combien elles sont encore merveilleusement conservées.
A l'intérieur de la petite ville assommée de chaleur, se déploie un ordonnancement rigoureux de rues, scandées des rideaux de fer baissés : pas un chat pour les animer. Les habitants l'ont désertée. Ils sont partis vers les plages et toutes sortes de distractions, oubliant leurs vieux dont on perçoit quelques hésitantes silhouettes sur les places ou les rares terrasses ouvertes. Une femme ridée sort mortifiée de la cathédrale dont elle s'est fait chasser par un prêtre qui ne plaisante pas avec les consignes: pas de mascherina, pas d'entrée. Pourtant, personne, à part elle, pour éprouver l'aspiration à prier.
Il n'est pas dix heures et Montagnana transpire déjà. Ses pavés semblent s'évaporer. Ici, rien ne semble jamais devoir changer. Il y a des villes comme ça où le temps semble s'être arrêté. Si Giorgione était présent, aujourd'hui, à peine devrait-il rajouter un masque à son personnage, petit berger privé de troupeau, couché pour l'éternité.
Murailles de la ville // Judith, attribuée à Giorgione (avec dessin de la ville en arrière-fond) dans le duomo de Santa Maria Assunta
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