jeudi 6 août 2020

Vivre : la plage


C'est une plage, il faut y arriver avant que le majestueux Général Guisan ne soit passé et il faut s'être jeté à l'eau quand le légendaire Vevey, avec sa belle roue à aube, lance son avertissement tonitruant en abordant le quai. On se laisse alors bercer dans les vagues comme un bébé. Un, puis deux paddles passent et, selon l'expérience du rameur, il revêt l'élégance d'un gondolier ou l'allure saccadée d'un patineur en réelle difficulté. Les pêcheurs alternent leurs expéditions. A chaque fois que le propriétaire du Cambronne rejoint sa place d'amarrage il fait un signe de la main, histoire de vous signifier que vous ne risquez rien, même si vous êtes largement au-delà des bouées. Il est suivi par une flopée de goélands gourmands et attendu sur le toit de sa maison par des hérons très très stoïques et persévérants.
C'est une plage, on se dit bonjour et on se demande elle est bonne? Ceux qui sortent de l'eau répondent toujours oui d'un air triomphant. Ceux qui se dorent au soleil assument un air sceptique, voire dégouté. Des grands-mères donnent ici rendez-vous pour le petit-déjeuner et accueillent leurs invitées avec thermos et porcelaines vert empire (des tasses de bistrot qui font rêver, des confitures qui font baver). Des enfants dociles se laissent enmanchonner. Des ados boutonneux s'adonnent à d'interminables compétitions de ping-pong et de plongeons. La dame qui possède un terrain ensauvagé juste à côté vient puiser dans le lac pour arroser (elle refuse obstinément d'être aidée). Vu le prix des constructions qui s'érigent comme des forteresses dans les environs, si elle est réellement la propriétaire du lieu, elle pourrait être une potentielle millionnaire, mais elle tient mordicus à arroser seule. On la laisse faire.
C'est une plage, on la quitte toujours à regret. On sait qu'on a suffisamment nagé, qu'on a des trucs à faire, que trop de gens sont en train d'arriver. On dit au revoir à la ronde, on secoue ses souliers, on rappelle le chien en train de batifoler. On se retourne, pour voir si on n'a rien oublié. On ne peut pas s'empêcher d'envier ceux qui sont encore en train de crawler.

2 commentaires:

  1. Ah le beau lac Léman et ses majestueux bateaux, comme un parfum de vacances qui nous emporte loin des soucis. Si tu ne l'as pas lu, je te conseille le petit roman de Chantal Thomas: "Souvenirs de la marée basse", ode à la nage et à l'eau. Bises alpines.

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  2. Oui, c'est un joli livre sur la mer et la mère. J'apprécie beaucoup Chantal Thomas et je crois que tu aimerais peut-être son dernier livre, dont j'ai parlé ici : https://zencok.blogspot.com/2020/06/lire-ecouter-quand-le-voyage-vous-fait.html , une invitation à partir en voyage d'un autre manière... en cette période où notre rayon d'évasion est relativement limité. Belle soirée.

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