mercredi 28 avril 2021

Vivre : l'échange

 
Two Mothers (détail) / Franz Straké / Rijksmuseum / Amsterdam
 
En ce dimanche soir, elle traverse le parc qui mène à la gare. De dos, sa silhouette apparaît gracile, avec un je-ne-sais-quoi d'évanescent. Elle pousse un landau tout en tenant par la main une blondinette qui semble avoir tout juste cinq ans. Il y a quelque chose de découragé dans sa démarche. Son dos se révèle légèrement penché, ses épaules à peine affaissées, ses pas un rien hésitants.
Sur l'esplanade devant les quais, la petite fille s'élance soudain vers un homme d'une trentaine d'années, aussi costaud que la femme paraît fragile, aussi rougeaud qu'elle semble pâle, aussi terre-à-terre qu'on la voit aérienne.
L'enfant sourit. Les adultes se font face et échangent à propos d'un sac que la femme a apporté. Finalement, l'homme décide que non, ce contenu il n'en aura pas besoin. L'enfant sautille en disant au revoir, elle part main dans la main avec le parent retrouvé. Ils font la course, elle va gagner.
La femme rebrousse chemin, son landau à bout de bras. Son ombre tremble sur le trottoir. On ne sait rien de son visage, de son regard. On les imagine éteints, tandis qu'elle s'efface, absorbée par les gens pressés de prendre leur train.


6 commentaires:

  1. Vous avez le talent de décrire en mots choisis et succincts une situation à l’instar d’un véritable scénario laissant entrevoir la scène comme au théâtre ou au cinéma. Ce scénario me semble plutôt triste. Tout le poids du monde sur les épaules de cette femme!
    N’avez-vous jamais pensé à écrire vraiment?
    Belle fin de journée.

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    1. De l'art de brosser un tableau vivant, de l'écrire en quelques lignes, en faisant transparaître un intense vécu diversifié, qui interpelle le lecteur.
      Ça s'appelle le talent !
      D'où, la même question que Ghislaine.
      Un florilège de certains de tes textes

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    2. @ Ghislaine : Vous allez peut-être me trouver présomptueuse, mais depuis que j'ai six ans et que j'ai appris à tracer de lettres, j'ai l'impression d'écrire vraiment. J'écris quand je rédige des mails, quand je laisse un mot à la postière, j'écris des messages d'encouragement à mon fils (un jour sur deux), j'écris dans mon journal intime, j'écris des listes. Ou des billets. Ou des poèmes. (J'écrivais aussi quand je rédigeais des rapports, ou des lettres administratives). Écrire est une chose naturelle qui me fait plaisir.
      Quant à écrire des nouvelles ou un roman, des tas de gens très inspirés l'ont fait et le font très bien. (Des tas de gens qui se sentent inspirés s'essaient aussi à le faire, ils s'essaient aussi à se faire publier, à se faire connaître, pauvres arbres ou pauvres artistes mésestimés, on ne saura jamais!) Dans un monde où tant de gens aspirent à faire connaître leur talent, n'est-ce pas merveilleux que d'éprouver du bonheur à faire simplement ce que l'on fait ?
      Cela dit, tandis que j'attendais mon fils dimanche soir, cette jeune femme frêle m'a touchée pour le peu que j'en ai vu. Rendre un enfant à son père un dimanche soir hors vacances scolaires laisse supposer qu'on n'en a pas la garde et que la relation se vit sur des bases fragiles... ce ne sont que des suppositions... l'important est que le grand gaillard qui est arrivé quelques instants plus tard avait grand plaisir à me retrouver!
      Toute belle soirée à vous!

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    3. @Alain : Même réponse que pour Ghislaine. J'écris tout le temps et j'ai tout le temps le sentiment d'écrire vraiment. Une fois, une blogueuse avait publié un billet sur son humiliation à voir son manuscrit, dans lequel elle avait tant investi, retourné par x éditeurs. Elle voulait, disait-elle, qu'il soit publié pour qu'au moins une personne le découvre et se sente aidée par ses mots. Les commentaires visaient tous à la consoler de cette mortification. ça allait de "un jour, tu verras" à "les éditeurs sont des nuls". Je lui avais écrit : "ce que vous écrivez dans votre blog aide peut-être des tas de gens, pourquoi préférer le support papier ?" (elle avait décrit l'accompagnement de son père à l'hôpital d'une manière vraiment fine, originale, peu de temps auparavant). Elle n'a pas apprécié ma réponse, je crois. Le bouquin a apparemment qqch de prestigieux que l'électronique n'a pas. Là, franchement, je me suis vue appartenir à mon temps. Les images et les mots qui voltigent d'écran en écran ont le même impact sur moi. L'essentiel, c'est qu'un message passe. e- ou pas.
      Merci pour tes mots et bonne soirée à toi!

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    4. @ Dad
      Un livre est à mes yeux « objet différent » que des écrits sur supports électroniques voués à être remisés dans les Data Center. Je ne dirai jamais que les éditeurs sont nuls. Ils choisissent. Ce sont des entrepreneurs et des commerçants comme les autres. Il est normal qu'ils souhaitent sélectionner « de bons produits » selon leurs critères d'éditeur et leur créneau choisi.
      Un livre est quelque chose « qui se travaille » dans la durée, qui parfois se compte en mois et en année. Il s'élabore avec un coach ou un comité. La spontanéité d'un billet de blog, c'est autre chose, un autre objectif ou nécessité ou besoin.
      Ce n'est pas une question de modernité, ni de l'air du temps. Ce sont deux objets totalement distincts.

      Sincèrement je crois que certains de tes textes mériteraient d'être revisités vers une publication sur support papier au-delà de ton cercle relationnel. Je n'ai pas fait cette sorte d'interpellation « en l'air », ni pour faire plaisir. J'ai rarement ce genre de propos envers un(e) blogueur/blogueuse. Tu as un regard particulier et spécifique qui à la fois fait du bien et interpelle avec justesse, acuité et profondeur. C'est pas donné à tout le monde… c'est ta singularité. Unique en quelque sorte. je voulais simplement attirer ton attention à ce sujet.

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    5. Cher Alain, merci. Tout ce qui a été écrit plus haut me donne à réfléchir.
      Je respecte énormément le livre papier. J'en ai beaucoup désirés, beaucoup lus, beaucoup reçus, beaucoup donnés. Je respecte énormément à la fois les gens qui s'appliquent à écrire et ceux qui, contre vents et marées, s'acharnent à les publier (il y a de merveilleux petits éditeurs qui aiment tant leur métier!).
      Il y aurait bcp bcp à dire ( les "rentrées" qui charrient des quantités déraisonnables, pas si différentes que le déversement de vêtements dans certaines grandes filiales, l'écrivain-"produit" propulsé à coup d'éclats dans les médias, les thématiques dans l'air du temps, la façon dont sont attribués les prix littéraires, etc etc).
      Ce que je voulais exprimer, c'est que le plus important selon moi, loin des hiérarchies et des distinctions, c'est d'aimer écrire : le plaisir, le besoin, la consolation, l'accomplissement, et le travail bien sûr, beaucoup de travail. Et c'est pareil pour lire : y trouver du plaisir, de la consolation et des stimulations. (Pour moi, lire et écrire, ce sont des choses finalement très proches, puisqu'on reconstruit à chaque fois qu'on lit et qu'il n'y a de véritable écrivain qui ne soit un bon lecteur). L'important, quel que soit le support et le résultat, c'est l'élan qui pousse à créer et à découvrir.
      Voilà pour ce soir.. on en reparlera surement. Ma journée fut un peu chargée. Belle soirée à toi!

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