mardi 14 mars 2017

Vivre : en mode re-






C’est une période comme ça.
Bien sûr, il y a quelques nouveaux titres, quelques cinés.
Mais pas trop, pas de course effrénée
vers des bouquins DOP, des sorties « géniales ! ».
Surtout des relectures, des réécoutes, des reprises.
Ce faisant, je n’ai aucune impression de perdre mon temps
ou de louper des musts absolus.
Les nouveautés peuvent attendre
(du reste, le propre d’une nouveauté, c’est très vite de ne plus en être une, alors…
à quoi bon se fatiguer ?)
Cela étant, comme les livres, les films sont faits pour moitié par qui les reçoit,
je constate que les œuvres évoluent et changent de fois en fois.
Ce n’est jamais tout à fait la même chose que je vois.
Ce n'est jamais tout à fait le même fleuve.
En mode re-, que ce soit des romans, des films, ou des interviews,
je capte de petits détails qui m’avaient échappé,
peut-être prise par tout ce que j'avais encore à... terminer



Ainsi, vers la fin du livre « Just kids », on sent poindre quelque chose qui était en germination, tout au long du texte. Un travail comme un accouchement, une mise bas. Comme ces graines qu’on arrose, qu’on arrose et qui finissent par poindre insensiblement. 

J'achetais des piles de livres, mais ne les lisais pas. Je scotchais des feuilles de papier au mur, mais ne dessinais pas. J'ai glissé ma guitare sous le lit. Le soir, seule, je me contentais d'attendre dans le plus complet désœuvrement. Une fois de plus, je me suis retrouvée dans la nécessité de réfléchir à ce que je devais faire pour accomplir quelque chose de valable. Toutes les idées qui me venaient semblaient insolentes ou vaines. […]
Je désirais être poète, mais je ne serais jamais à ma place dans leur communauté incestueuse, je le savais. La dernière chose dont j’avais envie, c’était bien de ménager les susceptibilités d’un nouveau milieu. J'ai repensé à ma mère qui disait que ce qu'on fait le 1er janvier préfigure ce que l'on fera le reste de l'année. Sentant l'esprit de mon saint Gregory privé, je me suis juré que 1973 serait mon année poétique. […]
J’ai tiré mon Hermes 2000 de sous le lit (Ma Remington avait rendu l’âme.) Sandy Pearlman m’a fait remarquer qu’Hermes était le messager ailé, le patron des bergers et des voleurs, et j’espérais que les dieux m’enverraient des bribes de leur jargon. J’avais plein de temps à tuer. C’était la première fois depuis près de sept ans que je n’avais pas d’emploi régulier. Allen payait notre loyer et je me faisais de l’argent de poche au Strand. Sam et Robert m’emmenaient déjeuner tous les jours, et le soir, je me faisais du couscous dans ma coquette petite cuisine, aussi je ne manquais de rien. [p.292.294]


L’autre soir, L’effrontée, toujours le même plaisir, le jeu de Charlotte, la justesse des dialogues, la tendresse un peu rude de Bernadette.
Et bien sûr, toujours de petites découvertes, comme la moue de la serveuse face aux hésitations grenadine de l’effrontée. Et le regard ému du père, veuf depuis que sa fille est née, quand il voit Charlotte porter à son oreille une boucle de sa mère. Et Clara Baumann, cette jeune prodige, quel chien savant, on lui passerait à travers! Et l’expression « grande seringue »! La vie en mode re- comporte de petits bonheurs comme ça, jamais tout à fait les mêmes à chaque fois.

2 commentaires:

  1. Le mode "re" est un mode intéressant que je devrais plus privilégier. Il y a des livres que j'ai adorés à leur première lecture et que je n'ai plus retouchés. Je suis sûre, comme toi, que des petits détails que je n'avais pas perçus pourraient ressurgir. Au lieu d'acheter toujours du neuf ou de voir les nouveautés, revenir à nos essentiels fait du bien. Bises et belle journée!

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  2. On est en train de vivre un monde kleenex, qui touche tous les domaines de notre vie. Y compris la culture. Il s'agit de consommer, consommer sans attendre, parfois sans prendre le temps de digérer. Tout nous pousse dans cette course, qui nous force à toujours courir après un train en marche. Le mode re- permet de s'arrêter, de revenir sur nos impressions, à l'écart des critiques et des conseils, de mieux voir ou de voir autrement. Le mode re-, c'est de l'anti-gaspil, de l'anti-con-sommation. Belle soirée à toi!

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