Avec
ma sœur, depuis le début, on s’engagées dans une course d’endurance. On forme
un couple parental, au numéro bien huilé. On se passe les informations et le
relais.
Déployant l’énergie d’une cheftaine scoute, E. a mis en place le retour à domicile et
fait appel à des aides extérieures. Toujours en mode
« action », elle organise le plus possible de sorties. Elle entraîne
notre mère dans des magasins deux fois par semaine, la conduit chez les
médecins, l’emmène manger des gâteaux. Des pullovers de toutes matières et de
toutes couleurs s’accumulent dans la chambre. Les pilules pullulent dans le
semainier. La balance indique un poids stabilisé.
A
moi la gestion budgétaire, la paperasse, l’organisation au sein de la maison. La
supervision des mains, des pieds, des stocks, de la propreté. Les repas en face
à face. Et puis, il y a les moments de pause dans le salon sombre aux volets toujours
à demi-fermés. Souvent, couchée sur le divan, elle parle. Et moi, dans le
fauteuil, un peu en retrait, j’écoute. Je me dis qu’ainsi elle semble en
analyse. J’essaie tant bien que mal de recomposer un puzzle grandeur 2000
pièces au moyen de tous les mots qui me parviennent.
Parfois,
le sens prend forme. Parfois, je laisse dire sans rien comprendre, par
lassitude, par souci de la ménager. Parfois, pour trouver des repères, je lui pose
la question : qu’est-ce que tu veux dire par là ? J’aimerais pouvoir retenir son esprit qui semble s’égarer.
J’ai l’impression qu’elle s'en va loin de ce
côté-ci de la vie, qu’elle part vers un ailleurs d’où on ne pourra plus la
ramener. Alors, je tire, je tire sur une corde imaginaire pour la reconduire ici. Ce va-et-vient entre le là et l’ici est épuisant. Ce n’est jamais sur le moment que je comprends
combien c’est épuisant. C’est après, c’est en sortant. Quand la lumière du
dehors m’aveugle, quand je sens mes épaules affaissées, quand je m’efforce de
poser un pied devant l’autre pour m’en aller.
Oui.
Avec ma sœur, on fait équipe dans une course d’endurance, on tire à la même corde.
Que le plus fort gagne, dit-on. Mais ici, on sait déjà qu’en face on a affaire
à trop forte partie, que les dés sont pipés. On tire sur la corde par simple
instinct de survie, pour ne pas céder trop vite. Parce que c’est ainsi tant
qu’on est en vie : on lutte, on lutte, même en fin de partie.
Un très beau texte qui dit en peu de mots l'indicible de la maladie. Qu'il est difficile de voir partir nos parents dans un ailleurs dans lequel nous n'arrivons pas à faire notre place, alors qu'il faut gérer l'ici et le maintenant. Il est primordial de garder toujours ce contact même si souvent, on ne comprend plus rien. Je pense qu'il faut lâcher prise sur la compréhension de ce qui, de toutes façons, nous échappent. Et trouver des bulles d'oxygène pour soi afin d'être plus forte la prochaine fois qu'on partira en voyage vers l'ailleurs.
RépondreSupprimerCe texte me fait revivre des épisodes passés et me parle beaucoup. Je ne peux que t'envoyer plein d'énergie positive afin que tu ne sombres pas dans l'angoisse et la déprime. Il y a des rayons de soleil dans cet ailleurs, et ici et maintenant aussi. Bises!
Oh merci pour ces mots où je ressens une belle empathie. Cela fait du bien. Là, je rentre d'un petit break justement, et je réalise que j'allais instinctivement vers des images de nature, de silence, de grands espaces. Des couleurs pastels, apaisantes, ce besoin d'oxygène dont tu parles. Toute belle journée à toi! D.
RépondreSupprimerJe comprends, si tu savais comme je comprends... ;-)
RépondreSupprimerTa photo est magnifique, j'espère que la vie pour toi n'est quand même pas une morne plaine...
¸¸.•*¨*• ☆
Morne, ma plaine ? ma belle plaine enchanteresse, qui sait être ocre, verte, grise, noire, beige , et même bleue quand il le faut ? Ah! non! tout sauf morne! Belle soirée, belle dame!
RépondreSupprimerCe n'était qu'un emprunt à Totor... ;-)
Supprimermais n'ai-je pas dit qu'elle est magnifique ?
Oui, j'avais compris, mais Water l'eau, pour moi c'était à Bordeaux, pas ici! Je te souhaite plein de rayons lumineux et une très belle après-midi!
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