dimanche 19 mars 2017

Vivre : Voyages, voyages…


Altichiero / Crucifixion (détail) / Oratorio San Giorgio / Padoue


Il arrive, une bouteille de Chianti dans une main et une tablette dans l’autre. Pendant la cuisson des pâtes, il entreprend de nous montrer en images son récent voyage. La noble entreprise où il officie offre régulièrement à ses cadres des « congés de développement ». Il a donc choisi de partir découvrir Bombay et ses environs, le temps d’une semaine, avec deux ou trois connaissances de son milieu professionnel. Au programme, des visites guidées : Bollywood (naturellement), un bidonville (sous la houlette d'une ONG), un « village » voisin (comportant un million d’habitants), ainsi que les grottes d’Elephanta (on ne peut pas louper ça). Le tout bien encadré ficelé du début à la fin.

Le doigt glisse. Les images défilent, certaines exceptionnellement belles, vu leurs sujets exotiques et colorés.

On passe d’un hôtel cinq étoiles pourvu de piscine, à une vache maigrissime broutant dans une mer de plastique;  puis on découvre un vendeur de citrons ambulant disposant le soir venu sa couchette directement sur le trottoir; le même, le matin suivant, faisant sa toilette à une borne (photographié en plongée depuis le balcon d’une chambre climatisée). Se succèdent sur l’écran : des repas alléchants ; des ordures entassées ; des visages souriants, des visages décharnés; un mariage avec cinq cent invités ; les toits du bidonville, en tôle, en carton, en rien; des trains bondés ;  les gens marchant dans des immondices et traversant négligemment les rails ; des lessives qui sèchent et frôlent les convois; une circulation infernale aux heures de pointe ; des pêcheurs partant au petit matin sur une étendue bleu tendre; des vieillards procédant à leurs ablutions matinales ; des enfants se disputant pour être sur l’image. 

La pauvreté, la misère. La beauté. Des regards intenses. Des contrastes inouïs.

Le tout en six jours. Je demande : Un tel voyage devait être éprouvant ? Emouvant ? Troublant ? Epuisant ?

Pas le moins du monde : les gens là-bas acceptent les choses comme elles sont. On ne perçoit aucune tension. Ils prennent volontiers la pose. Et, pour une somme très raisonnable, on peut voyager en business, dormir dans un lit à l’escale de Dubai, retrouver sans trop de fatigue son existence et son confort familier.

Ah !

J’en reste bouche bée. Ai l’impression d’être plus éprouvée, émue, troublée, épuisée par ce voyage en images, quelques minutes à peine, que mon invité, radieux, comblé, tout prêt à être rassasié.

3 commentaires:

  1. Coucou. Je comprends ton désarroi. Pour être revenue dernièrement d'un périple dont je fais état sur mon blog d'ailleurs, j'ai été effarée de voir comment les touristes peuvent se mettre dans une bulle quand ils sont en visite pour ne pas voir la vraie réalité des choses. C'est parfois écoeurant...

    Bises dominicales.

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  2. Incroyable et écoeurant...
    Encore un avatar de notre société de la facilité qui s'achète tout azimuts...
    Bisous dad
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. >> Je le connais assez bien : il ne s'agit ni d'une personne cynique, inculte ou mal informée. je me demande comme toi si notre société de consommation ne tend pas à nous faire entrer dans des fonctionnements insensés et à les accepter comme "normaux". Aaaaaaaaaah!

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