Largo porta Alfonsina / Otranto
Près de la torre Mata / Otranto
Portail (détail) / Cathédrale / Otranto
Le salon se trouvait près des murailles. Quand j'étais entrée, on m’avait dit : OK.
On vous lave les cheveux. Le maestro ne devrait pas tarder. Je ne m’étais
pas méfiée. L’apprenti m’a fait un shampoing en prenant tout son temps. J’avais
fermé les yeux, en écoutant vaguement l'autre cliente échanger avec son coiffeur attitré. Les enfants, le soleil, la spiaggia... l’une et l’autre n’avaient pas
l’air particulièrement pressés, pas plus que l’apprenti d’ailleurs et je
m’étais laissée peu à peu couler dans la nonchalance du lieu.
Au moment où le maestro
est enfin arrivé, j’ai trouvé qu’effectivement, il avait quelque chose d’un
chef d’orchestre, avec ses longs cheveux grisonnants, partant dans tous les
sens, son air vaguement dans la lune.
Puis il s’est approché de moi et là, là, j’ai remarqué qu’il tremblait terriblement des
mains. Un instant, je l’ai cru saoul. Et puis, non, quand il m’a parlé, j’ai constaté
qu’il était tout à fait sobre et que ses tressaillements étaient
probablement dus à un AVC, ou quelque attaque similaire. Du coup, peut-être par mimétisme,
ou peut-être par instinct de survie, je me suis sentie tressauter moi-aussi. Quand il s’est saisi d’une paire de
ciseaux et d’un peigne, un vent de panique s’est emparé de tout mon être. J’ai réalisé que j’avais juste deux ou trois secondes
pour réagir, lever le camp, arracher ma serviette, m’enfuir avec mes cheveux
mouillés et... ma tête encore intacte.
Or, j’ignore pourquoi, je suis restée.
Crispée, certes, mais prête à mener l’expérience jusqu'au bout. J’ai
toutefois eu la présence d'esprit de prononcer : non
troppo ! non troppo ! Il m’a fait signe qu’il avait compris.
Les quinze minutes qui ont suivi ont été fort
éprouvantes sur le plan cardiaque. J’observais autant mes battements que le maestro, lequel se révélait incapable de me tracer une raie
droite sur le côté. Je l’ai tenu à l’œil quand il a entrepris de couper. Je me
disais que je courais au désastre. J'ai invoqué San Pietro, Santo Stefano et tous les saint patrons de la ville. Et peut-être que ceux-ci m'ont entendue car… je dois dire… je dois dire qu’il avait
mis au point une technique assez efficace, laquelle consistait à tenir
fermement le peigne d’une main, le coude appuyé à sa hanche, tandis que de l’autre
il venait cisailler les mèches contre les dents. Je dois dire aussi que j’ai
des cheveux bouclés et sauvages, qui se prêtent à ce genre d’aventure.
Au
final, je suis ressortie indemne. J’ai quitté le maestro, l’apprenti, le salon,
avec un sourire vaillant, et un soulagement certain, en me jurant qu'on ne m'y reprendrait plus.
R. était resté lire au pied des remparts près de la porta Alfonsina. Quand je suis allée le rejoindre, il m’a regardée d’un air ravi et a prononcé
son plus grand compliment quand je sors de chez le coiffeur : Super: on voit pas de différence! (et
je dois dire avec deux semaines de recul que le maestro a fait un boulot tout à fait correct).
Sur le moment pourtant, je n'en menais pas large, mon
pouls a mis quelques minutes à retrouver sa vitesse de croisière. Heureusement,
la lumière de midi pianotait sur les pierres et des senteurs de sugo envahissaient
les ruelles.Nous nous sommes dirigés vers la cathédrale et son superbe pavement, avec une pensée émue pour San Pietro, Santo Stefano et tous les saints Martyrs d'Otrante.
Quelle aventure ! Tu m'as fait frémir jusqu'au bout des cheveux !
RépondreSupprimer¸¸.•*¨*• ☆
C'est sur : c'est chaque fois risquer sa tête. Mais là : il s'en est fallu d'un cheveu!
RépondreSupprimerJe n'en aurais pas mené large moi non plus, Dad. Bon, tu t'en es bien sortie, c'est le principal. :-)
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