mercredi 4 août 2021

Regarder : zoom sur un photographe

 

Ai parcouru avec fascination une exposition consacrée à Paolo Pellegrin, un de ces photographes que l'on ne connaît pas forcément de nom, mais plutôt de vue, pour ainsi dire, puisqu'il travaille au sein de l'agence Magnum et que les plus grands magazines ont fait appel à ses compétences pour des reportages sur le terrain de cataclysmes divers. 
La chose la plus frappante chez lui, c'est sa capacité à produire une photographie protéiforme : il peut rendre compte des événements les plus tragiques, prenant des risques, allant au plus près des violentes réalités dont il témoigne sans rechercher le moindre sensationnalisme, et, en parallèle, il se révèle apte à traiter avec talent de sujets plus légers ou esthétiques, tels que des défilés de mode, des paysages ou des portraits de célébrités.
 
 Vallée d'Aoste / Alpes / 2019
 
L'an dernier, au moment du premier confinement, il s'est retiré avec son épouse et leurs deux filles dans un chalet, au milieu des Alpes suisses. Il s'est autorisé l'espace de quelques semaines à prendre du recul par rapport aux vicissitudes qui constituent l'ordinaire de son métier. Il en a tiré des images sensibles, conscient de vivre un moment privilégié, malgré la tourmente du monde - ou peut-être à cause d'elle. Images  ICI.
 
 
 Emma Pellegrin / Alpes suisses / 2020
 
Dans "Une Anthologie", véritable coup de poing qui bombarde le visiteur d'images percutantes, témoignant des horreurs du monde et aussi de sa beauté, Paolo Pellegrin apparaît comme un artiste complet, formidablement doué. On sort de cette exposition comme d'une bouleversante traversée et on a immédiatement envie de retourner la voir. Parce qu'elle mérite d'être parcourue plusieurs fois pour en capter toutes les richesses. Parce qu'il s'agit de métaboliser la quantité d'informations auxquelles a été soumis notre regard. Parce que notre expérience intérieure demande à être interrogée après cet aperçu du monde contemporain.

Réfugiés / Mytilini Lesbos / 2015


Paolo Pellegrin, Une anthologie, Venaria Reale, Turin jusqu'au 29 août 2021

2 commentaires:

  1. Son œuvre impressionne en effet. Et l'exposition semble mettre cela bien en valeur si on en croit les photos telles qu'elles sont présentées en salle. Je comprends qu'on puisse avoir le besoin d'y retourner.
    On ne sort pas totalement indemne de ce genre d'exposition.
    Je me demande parfois ce qu'il en est pour le photographe lui-même. Être témoin des événements tragiques et pire encore de ce que les hommes peuvent s'infliger entre eux, sans y intervenir directement d'une manière ou d'une autre, on se demande comment cela influe sur le propre psychisme et la personnalité du photographe. Et cependant c'est une « vocation » incontournable.
    Les photos de Paolo lui-même, je n'en ai guère vu où il sourit, bien au contraire. À ce niveau d'engagement et de sens, on ne peut pas être blasé ou indifférent.
    Merci pour cette découverte.

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    1. La question que tu poses : comment faire ce travail, "y" aller et "en" revenir, dans quel état physique et mental cela se fait, comment on peut trouver un équilibre personnel, cette question on ne peut cesser de se la poser quand on voit le boulot accompli par des reporters de guerre. Ici, à voir certaines prises de vue, je me suis aussi demandé comment on peut partir en laissant chez soi des enfants en bas âge. IL faut vraiment avoir un moral d'acier, être blindé. Et tandis que j'écris, je me demande si les photos de mode, ou de paysages vastes et apaisés ne constituent pas le pendant nécessaire. Une sorte de récréation. Autant dire que dans ces cas-là, le photographe joue au yoyo avec des réalités totalement opposées. Moral d'acier, être blindé. Oui. peut-être.
      Belle soirée.

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