samedi 28 août 2021

Voyager / Lire : sans conséquence

 
Collage trouvé sur le net

Cet été, je me suis retrouvée plusieurs fois à déambuler, dans des villes qui m'étaient étrangères. Je n'avais pas vraiment choisi les villes en question, je n'avais pas d'intérêt particulier à les découvrir, si bien qu'après avoir arpenté leurs principales rues, je me retrouvais toujours avec la perspective de m'attabler à une terrasse pour y attendre la personne qui devait me rejoindre. J'avais du temps à disposition mais, sans doute à cause de mon manque de curiosité envers les lieux, je ne ressentais pas d'attirance particulière à observer les passants ni les interactions. Aucune personnalité ne me frappait. Aucun incident ne se produisait.
Mal préparée à ces heures de désœuvrement et peu encline à m'ennuyer stoïquement, je finissais par entrer dans la première librairie qui se présentait. Évidemment, comme toujours dans ces cas-là, je ne trouvais rien de consistant à me mettre sous les pupilles. Je tournicotais entre les rayons, j'allais et venais, les livres présentés me paraissaient insipides, ou trop connus, ou trop distribués. Ne désirant rien de particulièrement original, ni d'affreusement banal, mes doigts se promenaient sur les étagères, cela me rappelait ces après-midi de pluie où l'on se trouve confinée dans des maisons de location et où l'on se cherche une occupation parmi les bouquins abandonnés par de précédents occupants. 
Je viens de réaliser que le hasard m'a fait acheter ainsi trois livres d'Aki Shimazaki. Une fois leur lecture achevée (une lecture rapide et pas vraiment marquante), une fois rentrée chez moi, je les ai relégués dans un coin. La première fois que j'ai lu cette auteure, j'avais été intéressée par l'histoire d'Hôzuki, et le concept des pentalogies à entrées multiples m'avait semblé ludique et fascinant. 
Ces dernières semaines j'ai réalisé combien, avec les auteurs trop prolifiques, les narrations finissent à la longue par sembler dupliquées. On en vient à les deviner, un peu comme ces tours de magie qui à force d'être vus révèlent leurs ficelles. Impression de voir tourner un carrousel. Un roman n'est pas qu'une histoire racontée, il faut un style pour le porter, un processus pour l'amener à maturité. Chez Aki Shimazaki, les sujets ont toujours trait à des passés secrets, à des blessures mal cicatrisées, à des liens familiaux tourmentés.
Je suis allée ce matin déposer les trois opuscules décidément trop légers dans la boîte à échanges. Qui sait ? Peut-être enchanteront-ils trois lecteurs qui ne les connaissent pas ? Peut-être un cycliste en villégiature se retrouvant oisif entre deux étapes sera-t-il ravi de passer un moment en leur compagnie ? En les laissant, je leur ai souhaité une bonne continuation, comme on le fait avec des gens dont on prend congé en sachant qu'on ne sera plus amené à les rencontrer.

2 commentaires:

  1. On dirait que tu exprimes une certaine lassitude/déception par rapport « aux livres ».
    Il me semble que tu as écrit aussi sur ce thème il n'y a pas si longtemps.
    Une sorte de désœuvrement… il est vrai que tu sembles être dans des circonstances où il fallait, comme on dit parfois, « tuer le temps ».
    Est-ce qu'on peut tuer le temps ?. Et dans ces cas-là : à quoi s'occuper ?
    Tous ces « temps d'attente » où l'on a emmené un bouquin… et dont la lecture nous ennuie…
    Est-ce qu'il peut y avoir aussi des temps de saturation de lecture ?
    Incuriosité, désintérêt, lassitude, parce que peut-être il faudrait pouvoir faire autre chose qu'attendre…
    Enfin, voilà ce qui me vient en te lisant. Et à l'instant me traverse ce passage d'une chanson triste de Jacques Brel : « ils vivront de projets qui ne feront qu'attendre » (Orly)
    Bon, je devrais être plus gai !

    Il faut dire que je rentre de ce qui s'appelle « vacances » et qu'elles ne furent pas à la hauteur de ce que j'en attendais…
    On va donc choisir une autre chanson : « ça ira mieux demain » !

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    1. Si bloguer, c'est parler de soi, il en va de même pour commenter. Peut-être as-tu raison de lier ton expérience de vacances un peu décevantes à tes mots ci-dessus.
      Écrire ici, pour moi, c'est décrire des tesselles de réel, les surprises comme le banal, les moments d'attente comme les découvertes, les tentatives et les recherches comme les trouvailles. Pour moi, cela s'appelle la Vie.
      Je n'y vois rien de désolant, ni de particulièrement triste. C'est. Tout simplement. Décrire un moment de désœuvrement et d'ennui, pour moi, ce n'est pas le désœuvrement et l'ennui, c'est la vie.
      Nous sommes dans un monde où il faut foncer, tout faire, tout vite. A propos de lectures, nous avions il n'y a pas si longtemps une seule rentrée littéraire, en septembre, mais nous en avons à présent une seconde en janvier Et, à chaque fois, 700 livres nous déboulent dessus. En ce moment, beaucoup, alors que nous sommes seulement à fin août, de ces livres qui viennent de sortir sont déjà lus. Et ainsi va la ronde de la consommation, littéraire ou autre. Il faut montrer qu'on sait, qu'on a, qu'on peut. Je persiste à croire que la vraie vie est ailleurs. Dans notre expérience personnelle, dans nos joies, nos déceptions, et nos recherches. Plus l'on se sent vide, ou malheureux, plus on a besoin de trouver à se remplir à l'extérieur.
      A la fin de ma troisième expérience, dans une ville étrangère, je me suis retrouvée sur une terrasse au bord d'une petite rivière, il n'y avait rien, rien de spécial, mais ce moment était spécial. Le clapotis, la forme des tables, le goût d'un café. Je n'avais besoin ni de lire, ni de me distraire, parce que j'étais juste bien.
      Quand on cherche désespérément, on ne trouve pas, parce qu'on cherche du spécial hors de soi.
      Belle fin de journée à toi (et bonne rentrée)!

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