vendredi 13 août 2021

Lire : un café, une terrasse

 

Il y a des bistrots aux terrasses bien ombragées, où l'on voudrait s'attabler, tranquille, commander un Diabolo fraise ou une Panachée, saluer en retour le groupe de touristes jurassiens qui passent en file indienne et lancent chacun leur tour un "bonjour" tonitruant, le regard droit, quelque chose de fier et de pugnace dans leur maintien. Il y a des bistrots, où l'on voudrait se poser pour le restant de la journée, ouvrir un bouquin, quelques poèmes de Rilke, une élégie, pourquoi pas, ou alors ses Lettres au jeune Franz Xaver Kappus, et s'imaginer que c'est à nous qu'il les a écrites (Très chère Madame, c'est à Florence que j'ai reçu votre lettre du 29 août et c'est seulement maintenant - après deux mois - que je vous en parle. Pardonnez simplement cette négligence...) et puis aller aux dernières pages, celles que l'éditeur a laissées non imprimées, et se mettre à poser là quelques pensées, quelques idées, un ou deux projets. Il y a des bistrots qui vous donnent juste envie de vous laisser couler dans cette bienheureuse saison qu'on nomme l'été.

LES PAUVRES MOTS
    Les pauvres mots qu’affament les mornes heures,
    les ternes mots, oh, je les aime tant !
    Avec mes fêtes je leur prodigue couleurs,
là ils sourient et se font gais, lentement.    
Leur être, qu’en eux, craintifs, ils avaient dompté,
se renouvelle, si clair que le voit chacun ;
jamais encore ils n’ont été chantés, 
et frémissants, ils courent dans mes quatrains.
Poème tirée de :  Rimes, Rythmes ( fr/angl/all,) trad. Cl. Neuman, éd. Ressouvenances
 
[...] s'il n'y a pas de communauté entre vous et les autres, cherchez à être proche des choses que vous ne quitterez pas; les nuits, elles, sont encore là, et les vents qui traversent les arbres et passent sur tant de pays; parmi les choses comme auprès des animaux, il y a encore tant d'événements auxquels il  vous sera possible de participer; et les enfants sont encore comme vous étiez vous-même lorsque vous avez été enfant, aussi tristes et aussi heureux - lorsque vous pensez à votre enfance vous vivez de nouveau parmi eux, parmi les enfants solitaires, et les adultes ne sont plus rien, leur importance n'est d'aucune valeur.
 LAUJP, 23.12.1903, trad. M.B. de Launay, éd. Poésie/ Gallimard
 
 [...]  Car dès l'enfance
on nous retourne et nous contraint à voir l'envers,
les apparences, non l'ouvert, qui dans la vue
de l'animal est si profond.  Libre de mort.
Nous qui ne voyons qu'elle, alors que l'animal
libre est toujours au-delà de sa fin:
il va vers Dieu; et quand il marche,
c'est dans l'éternité, comme coule une source. 

Huitième élégie, Élégies à Duino, trad. François-René Daillie/ coll Orphée/La Différence
 

2 commentaires:

  1. Il est des bistros qui abritaient des amours fugaces.
    Il est des bistros où jaillit la créativité littéraire
    il est des bistros témoins de ruptures.
    Il est des bistros de rires tapageurs
    il est des bistros où le travail de groupe progresse
    il est des bistros où on ne retournera jamais.

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    1. quel joli commentaire !
      Il est en effet des bistrots, autant de bistrots qu'il y a de tenanciers et de clients. Quand on trouve un bistrot qui nous plait, on se sent chez soi, juste bien. Belle soirée!

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