Ce soir-là, après une journée un peu sinueuse, un peu chargée, ponctuée de tensions diverses et de doux éblouissements, nous avions traversé le village sur lequel les étoiles commençaient à veiller. Nous nous étions aventurés sur des pavés que quantités de pas fureteurs avaient lissés jusqu'à la brillance. Il y avait de la pêche, du jasmin et des grillons dans l'air. Il y avait un nombre impressionnant de chats et des éclats de voix - pas de rires : des voix - des gens qui se parlaient, qui avaient besoin d'échanger, après un début d'été rempli d'attentes et de désarrois. Au-dessus des tables peu à peu abandonnées, des visages penchés, bien disposés à s'entendre et à s'écouter. Il y avait des cuisines allumées où l'on se passait le pain avec solennité. Il y avait un curieux mélange de bruits et de silence, d'aménité et de déférence.
La nuit était tombée d'un coup, comme la fatigue. Le chien arrosait de
temps à autre des touffes qui émergeaient insolemment des pierres. A travers des vitrages nous scrutions des tableaux d'artistes doués, que nous aurions aimé mieux apprécier. Nous
avons croisé un jeune Hollandais rondouillard qui s'est mis à raconter des
histoires de gâteaux et de clébards. Il émanait de lui et de la femme qui l'accompagnait cette euphorie un peu survoltée qui est le signe des amours naissantes. Nous les avons laissés s'évaporer dans l'obscurité, emportant dans leur sillage l'espoir que leur relation était faite pour durer.
R. m'a glissé tout bas à l'oreille quelques mots que j'avais déjà entendus des milliers de fois, mais au cœur de cette soirée qui n'avait rien de banal puisqu'il y avait des étoiles, et l'empreinte d'un soleil retrouvé, et des voix qui parlaient de détente et d'été, ces mots avaient résonné comme ceux d'une première fois. Alors, nous avons regagné notre chambre, tandis que le chien levait la patte, une dernière fois.
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