samedi 7 août 2021

Voyager : à tout hasard

 

Ce matin-là, après avoir comme à chaque fois porté sur le Rhône et les remparts un regard que l'émotion tendait à brouiller, j'ai annulé tout programme, effacé toute obligation, toute propension à rentabiliser en bonne touriste le temps passé dans la cité. J'ai oublié que je la connaissais, j'ai fait celle qui débarquait. J'ai ignoré l'entrée de deux palais somptueusement restaurés, leurs portails, leur reproductions alléchantes, ou censées allécher les amateurs de toutes sortes de préciosités. J'ai snobé les musées pour m'en aller musarder au coin de ruelles, qui n'étaient pas vraiment élégantes, et peut-être même pas belles, et peut-être même crasseuses pour certaines, mais qui oscillaient intensément entre ombre et soleil.
 
 
Je me suis perdue sur des places où je ne m'étais jamais rendue, j'ai croisé des mendiants, des judokas, des gens qui s'interpelaient durant leur balade, et une dame âgée à qui son physio réapprenait façon XVIIIe l'art de la promenade. J'ai commandé un Perrier à une terrasse où l'on m'a fait poireauter, mais du temps, j'en avais à revendre, du reste je n'avais ni montre ni heure. L'ombre approximative des platanes et quelques clochers suffisaient à me renseigner. 
  
 
Une fillette de deux ans terriblement élégante avec son pantalon bleu, sa casquette orange et son sac en bandoulière coursait les oiseaux autour d'une fontaine tandis que ses parents se partageaient avec une certaine gravité une part de gâteau à la fleur d'oranger. Derrière moi, un type a commandé un thé au gingembre. Une femme un peu bohémienne a rappelé son clébard qui ne voulait apparemment pas faire copain copain avec le mien. Un pigeon un brin frondeur, pas vraiment voyageur semblait vouloir défendre coûte que coûte son territoire.


Je me suis levée pour payer, le garçon m'a adressé un sourire édenté. J'ai repris ma flânerie et pris quelques photographies, avec cette hésitation que l'on a toujours, en appuyant sur le déclencheur, quand on n'est vraiment pas sûre que cela en vaut la peine, mais qu'on le fait quand même. Juste pour voir. A tout hasard.



2 commentaires:

  1. Quel sens de l’observation! Une impression de déambuler avec vous dans les rues d'Avignon grâce à votre capacité à décrire!
    Si je peux me permettre, nul doute, vous êtes dans la vie.

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    1. Merci. Ce matin-là (mardi dernier) la ville était encore vide, rendue à ses habitants, loin des tourmentes festivalières et des valises airbnb. L'un des nombreux privilèges d'avoir un chien est qu'il vous entraîne, vous oblige à marcher, à échanger. Vous contraint à la présence : les vieilles dames, les gros clébards agressifs, les vélos, les enfants admiratifs, etc etc il faut être là! Belle soirée.
      PS : à propos de votre lecture, suis tombée aujourd'hui sur ce podcast : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-culture/regards-decrivains-en-temps-incertains-javier-cercas

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