mercredi 19 juillet 2017

Vivre : les non-dits


Ibiza / cala Sant Vicent


Elle voudrait lui dire laissons-là ces chiffres et ces questions techniques. Elle voudrait lui dire regardez-moi, regardez-moi vraiment, permettez à nos yeux de se parler un instant. Elle voudrait lui dire pourquoi partir en vacances dans ce pays lointain, comme tout le monde, faire cette croisière, comme tout le monde ? Elle voudrait lui dire comme vous allez vous ennuyer, là-bas, avec votre femme, et d’abord comment est-elle votre femme, quelle femme avez-vous donc choisie pour être présente tous les jours de votre vie, quelle compagne pour se réveiller à vos côtés le matin et se rendormir le soir, comme tous les matins et tous les soirs ? Elle voudrait lui dire partons ensemble, empruntons des chemins de traverse, allons deviser en aparté sur une terrasse ombragée, allons nous allonger dans un joli pré, laissons voyager nos rêves comme de petits voiliers, retrouvons nos enfances et leurs enchantements. Elle voudrait lui dire toutes ces années n’ont en définitive rien changé, je vous revois et j’ai de nouveau envie de vous enlever, de vous soustraire à votre quotidien, beaucoup trop balisé. Je veux vous ouvrir comme une pochette surprise colorée.. Elle voudrait lui dire à chaque fois, après, après vous avoir quitté, j’essaie de reconstruire l’oubli, de ranger votre sourire inouï dans un tiroir, de classer définitivement cette affaire, mais à chaque fois, mes efforts sont réduits à néant, mon château de cartes s’écroule, je me retrouve démunie, écrasée, impuissante face à ce besoin lancinant de votre présence. Elle voudrait lui dire Elle voudrait lui dire Elle voudrait lui dire.

Mais, soudain, elle perçoit son regard sur elle. Aujourd’hui, il a la résignation d’une plage délaissée. Elle y lit les illusions effilochées, la conviction d’avoir tout expérimenté jusqu’à la lassitude, jusqu’à l’incapacité d’oser. Elle y devine la nécessité d’amarrer ses besoins, dans un port familier, et jusqu’à l’arrière-saison.

Alors, elle ressent l’exigence de partir très vite, pour vivre ailleurs « son » été, « ses » découvertes, « ses » insondables possibilités.

Et elle finit par dire : merci pour vos précieux conseils et passez de bons congés.


2 commentaires:

  1. Tu sais à quoi me fait penser ton texte? Au film "sur la route de Madison". Je ne te raconte pas l'histoire, tu la connais. Sortir du quotidien, s'évader ailleurs, se retrouver autrement, laisser parler son coeur, se regarder et se comprendre, respirer... Sortir du conformisme, oser faire différemment. Ne pas suivre comme un mouton.

    Ma chère Dad, venir te voir ces jours-ci m'ouvre des espaces d'oxygène, des petites bulles de douceur car tu sais dire, simplement. Bises alpines.

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  2. Hello, Dédé, c'est amusant que tu parles d'un film, parce que j'ai voulu écrire un petit scénario, une mini histoire en concentré. Merci pour tes mots gentils. ça me touche. Et toi, continue à prendre de l'altitude, à bien prendre soin de ta belle personne! Bises D.

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