dimanche 27 octobre 2019

Lire : reconnaissances


Sans titre / 1982 /  Tal Coat / Musée Granet / Aix-en-Pce

Tout compte fait, si je devais rendre grâce ce serait à des riens.

C'est un recueil qui commence ainsi et que j'ai acheté comme ça : à l'aveugle. Envoyez-moi un livre, ai-je écrit à l'éditeur. Il m'en a proposé trois, j'ai choisi celui-là. Dès que j'ai lu la quatrième de couverture, je me suis sentie happée par une écriture simple, limpide, dense, bourrée de tendresse, mais non dénuée de revendication. Je me suis sentie avancer en terre amie. Comme une impression d'avoir trouvé un compagnon, un frère dans cette poésie:
Je rends grâce au poète en nous qu'une simple vague fascine,
à cette part résiduelle qui nous ressemble encore au bout de nos fatigues et des journées perdues,
à cette part que nous voudrions croire aussi irréductible qu'elle est rebelle aux injonctions des modes,
rétive aux rêves qu'on affrète pour nous perdre
et qui nous fait chercher des mots pour tenter dans la foule
d'aller réveiller en chacun le poète qui s'est tu.

Me renseignant sur l'auteur, Michel Baglin, poète, romancier, journaliste, j'apprends qu'il vient de décéder en juillet dernier. Merde alors, à peine connu, le poète a donc disparu ! Ce livre, L'alcool des vents, paru en 2004 au Cherche-Midi, a été réédité par les éditions Rhubarbe à deux reprises, en 2010 et en 2019. Autre page :

Je ne rends pas grâce à la peur qui arme nos fragilités de mauvais alibis.
Mais à l'inquiétude, oui. Aux oreilles dressées, aux cœurs battants. 
Aux paupières qui ne se ferment pas docilement avec la nuit.
Aux aguets. Aux alertes qui nous valent de ne pouvoir consentir tout à fait au sommeil des justes
alors que des hommes dehors n'ont que des remparts de carton à dresser contre le froid
et que la paix n'est plus que le fruit blet des combats perdus.

Le poète de Toulouse s'est donc tu. Mais le petit bouquin restera longtemps à portée de main. Sa poésie lui survit et vient exprimer avec justesse la noblesse exquise de ces riens qui font le sel de la vie. 


6 commentaires:

  1. Ces petits riens
    qui font tout
    rendant la vie ordinaire
    extraordinaire
    :-)

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  2. Ces petits riens, savoir les pointer, les dire, toute la force du poète est là. Mais il a raison : il faut tenter de réveiller en chacun le poète qui s'est tu.
    PS : j'ai adoré la musique (le violoncelle surtout) de LEJ, découverte grâce à toi. Sublime. Continue de nous ouvrir à des mondes inconnus!

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  3. A ces petits riens qui font tout. Merci Dad pour cette découverte littéraire. Bises alpines de bonne nuit.

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  4. J'aime aussi découvrir des pépites dites "secondaires", ceux qui ne feront jamais partie des best sellers, mais qui sont si réconfortants à lire...

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  5. La vie est peuplée de petits riens. Ils sont comme les petits bonheurs, ils ont beaucoup d'importance. Et apparemment ce poète en parle bien. Je comprends que tu aimes ses mots. Peut-être que je me laisserai tenter... :-)

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  6. Ces derniers soirs, je lis deux pages en me couchant et je dors comme un bébé. Je me dis que la poésie est le meilleur des somnifères, elle permet de s'endormir en douceur, avec des mots sensibles et amis.

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