Le Kornhaus à Berne est un espace de petites dimensions et sans grande prétention, qui présente souvent des photographes reconnus, mais relativement peu connus. Comme pour de tout petits musées exposant des peintres à la renommée très restreinte, il arrive souvent qu'on y découvre des pépites.
Peter Dammann est décédé de manière subite en 2015, à l'âge de 65 ans, alors qu'il rentrait d'un voyage à Gaza. Profondément engagé dans des reportages à portée sociale, délégué de diverses associations, il aimait témoigner de la misère, des marges, de l'enfance délaissée. Il faisait des photographies simples, prises sur le vif et il disait en 2014, peu avant de mourir :
Quand vous voulez photographier des histoires sur les gens, la chose indispensable est d'aimer ces gens. L'image ne fait que traduire votre approche et votre relation avec ces personnes. Elle ne reflète que votre relation et vos sentiments. Chaque photo prise d'un être humain est également un autoportrait du photographe qui l'a faite.
Qu'il ait saisi l'enfance des rues (comme à Saint-Petersbourg, au début des années 1990) ou l'exercice inhumain imposé à de jeunes danseurs (toujours à Saint-Petersbourg à l'Académie Vaganova), il savait se mettre au juste niveau, d'humain à humain.
En ce qui me concerne (et ça m'est arrivé plusieurs fois ces derniers mois) recevoir une leçon de photo primordiale : pas de bonne photographie, sans regard aimant derrière l'objectif. La technique, dans le fond, est certes une chose utile, un élément de la boîte à outils, mais elle ne saurait jamais être chose essentielle.
Pour terminer, une photographie - hors exposition - prise à New-Dehli, auprès des enfants zonant autour de la gare. Le
sourire, la confiance dans cette image forte : ce n'est peut-être jamais
vraiment le désespoir, tant qu'on aime infiniment son chien et que l'animal vous le rend bien.
Je crois qu'il en va de même dans tous les domaines artistiques , quels qu'ils soient : s'il n'y a pas un regard franc, aimant (pour reprendre ton terme) et un peu d'émotion, rien ne passera dans l'oeuvre.
RépondreSupprimerOui et non. Aimer, c'est regarder, c'est prêter attention, c'est créer du lien. Ce qui permet de mettre en valeur. IL me semble que c'est plus remarquable pour un art comme la photographie où le rapport direct est en jeu. Il est question de "don" de part et d'autre, mais surtout de la part du modèle. Pour que les modèles donnent qqch d'authentique, il faut qu'ils se sentent acceptés tels qu'ils sont. Ici, la relation est en jeu. Même un photographe de guerre fait ressortir de l'empathie pour ses sujets. C'est en grande partie ce qui fait que les reportages sont bons.
SupprimerEn ce qui concerne la peinture, ou la sculpture, ou le dessin, ça me semble moins évident. Car l'artiste effectue une interprétation de la réalité... à partir de son modèle. IL peut aimer son œuvre et pas forcément la personne représentée et la qualité de ce qu'il produit dépend non du modèle directement, mais de la manière dont cet artiste rendu sa version de cette réalité. Ex. les toiles de Picasso, ou les œuvres de commande dans les cours européennes à la Renaissance ou autres... Ce qui n'empêche pas que l'amour du sujet motive et stimule tout artiste.
Sur le net on ne trouve pas grand-chose concernant ce photographe. Heureusement que tu mets des photos.
RépondreSupprimerJ'aime bien sa citation que tu reprends.
Photographier les personnes demande une empathie pour obtenir un résultat satisfaisant.
Quelqu'un de mon entourage proche est un photographe d'art à titre professionnel, qui fait pas mal de portraits. Soit avec des particuliers soit avec des mannequins. Mais dans un cas comme dans l'autre s'il n'y a pas la relation de confiance et l'amour des personnes, cela donne de piètres résultats.
Mais quand même, il faut maîtriser suffisamment de techniques, surtout si on effectue le « travail complet » depuis la prise de vue jusqu'à l'impression sur papier Fine Art en grand format. Encore plus d'ailleurs si c'est pour faire une affiche publicitaire 4 × 4.
Faut quand même connaître le métier pour discuter avec l'imprimeur.
Il m'a tiré le portrait en noir et blanc, sous cadre etc. Le procédé d'impression est garantit un siècle ! Je lui ai dit que je voulais bien le croire, mais que je ne serais plus là pour vérifier…
Alain, tu as dit le mot : "empathie". La nécessaire empathie. En ce qui concerne la technique, il est indispensable de la maîtriser, pour pouvoir se centrer sur l'essentiel. Elle est un socle, la base à connaître. Mais elle ne suffit pas. Pour un photographe artiste, il y a l’œil, la créativité, l'empathie, un lien de confiance qui se rajoutent à cette base et qui "font" que l’œuvre est une œuvre d'art. (j'oubliais, mais c'est d'une telle évidence : regard totalement ouvert, curieux, sans l'ombre d'un préjugé ou d'un jugement)
SupprimerPS : en parlant de "travail complet" tu me files une sacrée nostalgie : ces photographies que je développais autrefois dans un petit labo improvisé, le film, les tirages, la chambre noire, la petite lumière rouge, et la déception (ce n'était jamais aussi bien que désiré). Ah! ce dont le numérique nous a privés!!!
Cela n'a rien à voir avec la photographie quoique... Il y a déjà plusieurs années, je faisais partie d'une chorale. Le chef de choeur nous disait de sourire en chantant. Mais comment aurait-on pu sourire vu que lui ne souriait absolument pas ? Pour emmener les autres dans son envie, il faut leur donner cette envie. Pour la photographie, finalement, c'est un peu pareil. Si l'on veut que la personne soit à l'aise, nous sourit, nous devons avant tout la mettre en confiance et lui accorder notre sourire. On sait bien que le sourire est communicatif et que c'est la première chose qu'un bébé imite, mais bon, là est un autre sujet. :-)
RépondreSupprimerPour en revenir à ces photos, elles sont très belles. Peter Dammann avait beaucoup de talent et devait certainement aimer les gens pour obtenir de si beaux clichés.
Bonne soirée, Dad.
Les photos ici ne sont pas vraiment fidèles car je n'avais que mon smartphone avec moi. Je pense que ce photographe est en effet très intéressant (j'ai mis un lien à partir de son nom, avec un site qui reproduit pas mal de ses reportages). En parlant de sourire, Françoise, tu parles d'échanges et de réciprocité. Oui "pour emmener les autres dans son envie, il faut leur donner cette envie. " C'est particulièrement vrai en photographie entre celui qui capte et celui qui "se donne". Mais cela vaut pour toute interaction, je crois : entre le jardinier et ses fleurs, entre un parent et son enfant. C'est pour cela je crois que P. Dammann parlait d'autoportrait : quand quelqu'un prend un cliché du monde, il rend une image de "son" monde. Beau jeudi!
SupprimerUne des photos m'intrigue
RépondreSupprimercelle où dans l'ombre
se reflète le photographe
Le photographe de l'ombre
qui met en lumière
la Vie
Quand on regarde attentivement les photos, on peut se laisser intriguer par tant de choses... il y a tant de choses à voir...
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