mercredi 6 février 2019

Voir : désespérer d'attendre


Si tu m'attends, je reviendrai,
Mais attends-moi très fort.
Attends, quand la pluie jaune
Apporte la tristesse,
Attends quand la neige tournoie,
Attends quand triomphe l'été
Attends quand le passé s'oublie
Et qu'on n'attend plus les autres.
Attends quand des pays lointains
Il ne viendra plus de courrier,
Attends, lorsque seront lassés
Ceux qui avec toi attendaient.

Si tu m'attends, je reviendrai.
Ne leur pardonne pas, à ceux
Qui vont trouver les mots pour dire
Qu'est venu le temps de l'oubli.

Et s'ils croient, mon fils et ma mère,
S'ils croient, que je ne suis plus,
Si les amis las de m'attendre
Viennent s'asseoir auprès du feu,
Et s'ils portent un toast funèbre
A la mémoire de mon âme...
Attends. Attends et avec eux
refuse de lever ton verre.

Si tu m'attends, je reviendrai
En dépit de toutes les morts.
Et qui ne m'a pas attendu
Peut bien dire : "C'est de la veine".
Ceux qui ne m'ont pas attendu
D'où le comprendraient-ils, comment
En plein milieu du feu, ton attente m'a sauvé.
Comment j'ai survécu, seuls toi et moi, nous le saurons,
C'est bien simple, tu auras su m'attendre, comme personne.

Constantin Simonov (1915-1979)

 J'ai visionné hier soir "Les uns et les autres". Encore une fois, malgré un début prometteur et malgré les chorégraphies de Béjart, je l'ai trouvé trop long, trop verbeux. Cependant le film vaut d'être revu pour une ou deux scènes, dont celle-ci. 
J'attendais également le passage où le personnage joué par Robert Hossein retrouve enfin sa mère, contrainte à l'abandonner tout bébé, sur les rails vers Auschwitz. Minée par les pertes et le chagrin, elle végète dans un hôpital psychiatrique. La scène est muette, filmée à distance, de dos, et, comme elle se trouve presque à la fin du film, j'ai dû prendre mon mal en patience (les séquences inutiles, les dialogues superflus, la musique soûlante). 
J'ai tenu bon jusqu'à ces quelques secondes essentielles, qui me saisissent à la gorge à chaque fois.
C'est aussi ça, le cinéma : malgré l'impatience, rester jusqu'à une séquence précise, même très courte, parce qu'elle nous parle intensément, et qu'on la garde en mémoire, longtemps très longtemps.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire