mercredi 7 juillet 2021

Lire / Ecrire : dresser un cheval

 
Sala dei Cavalli / Palazzo Te / Mantoue

Je suis Bartabas le furieux
l'homme qui à cheval
va mesurer le monde.
 
Avec les hommes j’ai toujours l’impression d’apparaître déguisé. Seuls les chevaux me voient tel que je suis.
 
 J’irai toujours, confiant dans mes rêves, tant qu’il y aura des chevaux pour les porter. 
 
Le livre de Bartabas, "D'un cheval l'autre", vient d'être publié en édition de poche, chez Folio. A  propos de cette expérience d'écriture dans lequel il évoque les différents chevaux qui ont compté dans sa vie d'homme et d'artiste, l'écuyer fabuleux dit :

"Je pense que la vraie parole est la parole écrite. C'est la littérature. C'est la seule parole qui t'engage complètement. Parce que tu as eu le temps de peser chaque mot, l'intention de chaque mot. Quand on parle, quand on s'exprime oralement, bien sûr c'est intéressant, il y a une vérité, mais on n'est jamais juste.
J'ai découvert qu'écrire, c'est comme dresser des chevaux. C'est tous les jours, tous les jours, recommencer, remettre sur le tapis le travail, jusqu'à trouver l'équilibre juste, l'intention du geste juste
du cheval, exactement comme tu rémoules tes chapitres, tu rémoules tes phrases jusqu'à trouver l'équilibre juste de la phrase, le mot juste qui convient à l'intention que tu veux donner.
Donc c'est assez proche. Il y a un côté comme ça très concret. C'est du travail, quoi, tout simplement." 
 
Destinée à décrire ce lien viscéral qui le lie à l'animal, cette chose intime et profonde qui l'emporte vers ses rêves, Bartabas présente l'écriture comme un exercice, exigent, patient, quotidien, répété. L'écriture comme un acte concret, un dressage, une pratique obstinée. Quel que soit le sujet, quelle que soit la tâche, noble ou triviale : de l'exigence et du travail.
 




4 commentaires:

  1. Je suis d'accord avec ses propos concernant l'écriture.
    Enfin, pas forcément pour tout exercice d'écriture.
    Il se fait que je fais partie d'un comité de lecture/écriture, chez un éditeur, depuis pas mal d'années et que nous publions des ouvrages qui se veulent de qualité dans un domaine très spécialisé. La recherche du mot juste, de l'expression non ambiguë, la clarté, la rigueur de la pédagogie, la mise dans un langage accessible au grand nombre sans trahir (ou le moins possible…) la complexité de certains aspects pointus. Ça s'étale parfois sur des semaines pour écrire 10 pages d'un bouquin qui en aura au moins 200… c'est très formateur. Je crois que c'est là où j'ai le plus appris la complémentarité, la joie et les bienfaits d'une forme de création collective. Nous en sommes au troisième ouvrage. Nous fonctionnons ensemble depuis pas mal d'années. Et moi j'adore y participer et apporter ma petite lumière.

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    1. Joie et bienfaits d'une collaboration au long court! Travailler au sein d'une équipe qui se connaît, se complète et s'estime est privilège rare. Tu y prends un énorme plaisir ? Je ne peux que te comprendre et te souhaiter d'y collaborer encore longtemps!

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  2. Il y a ceux qui disent que tout vient tout seul, sans travail, sans correction, sans hésitation aucune, sans reformulation. Ce sont tous des Mozart, ils vous écriraient une symphonie sans rature (une symphonie par jour, bien entendu). Et pourtant, même un Flaubert faisait passer ses phrases par son « gueuloir », donc la lecture à voix haute. Rien ne vient tout seul, ni le dressage d’un cheval, ni l’écriture d’un texte, pour revenir à cette comparaison de Bartabas. Pourtant à notre époque, comme tout doit aller vite, voire bientôt super-vite, ce temps de poser, d’effacer, de recommencer a tendance à être gommé. La vitesse est plus importante que le contenu, l’emballage aussi. L’emballage, c’est l’autopromotion « pour moi aucun problème, je te fais cela pour hier… » et ensuite l’autosatisfaction devant la mâchoire inférieure de l’auditeur qui tombe d’étonnement. La relation entre le mot, la phrase et l’auteur s’estompe, il faut produire. Alors les bons romans dans les différentes rentrées littéraires sont rares, même s’il y a de plus en plus de rentrées littéraires et de plus en plus de romans. Ce constat n’est pourtant pas élitiste (on peut écrire des textes de qualité pour un large public) mais simplement l’expression de l’amour pour une création menée à bien.



    Gaspard

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    1. Les petits doués qui font tout vite et bien, je n'y crois pas une seconde. Écrire (créer, être artiste) c'est un boulot de longue haleine. Je trouve comme vous qu'on publie trop, trop vite, trop n'importe quoi. Et il se déverse tant de livres dans les présentoirs des librairies que les libraires ne savent plus à quel saint se vouer : passent leur temps à placer des nouveautés, ne sont plus au courant de ce qui est arrivé, tellement ça circule. Quasiment pareil que pour les rayons de prêt-à-porter.
      C'est ça que j'ai aimé dans la citation de Bartabas, ce goût de l'effort, du temps qu'on se donne, pour entrer dans la démarche et trouver les bons mots, les bons gestes. Ce que je fais de plus en plus : je ne lis que peu de nouveautés. J'attends que ça se décante e, si un livre se révèle intéressant au bout de cinq ou dix ans, c'est qu'il a de la valeur. Les autres, ils se font oublier... Merci pour votre passage. Bien belle soirée!

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