samedi 10 juillet 2021

Vivre : retrouvailles

 
Portrait d'un jeune garçon / Égypte /env.115 aJC / MBA / Dijon
 
Que voit-on dans les yeux des gens ? Que voit-on dans leurs prunelles, qu'elles soient neuves ou toutes vieilles, d'ici ou d'ailleurs, de tout à côté ou de très loin ailleurs, que voit-on qui nous donne l'impression de devoir nous éloigner, ou de pouvoir nous approcher ou encore de sentir que nous sommes arrivés ? Je te regarde, inconnu, étranger, et je sens que je peux te parler. Je lis dans tes yeux une enfance semblable à la mienne, et des jeux et des rires provenant de nos six ans à peine. Je lis que je peux te faire confiance, je reconnais les mêmes désirs écorchés, les mêmes sanglots à consoler, je lis que tu peux entendre des mots que j'ai rarement su prononcer. Je sais que la rencontre peut débuter.

4 commentaires:

  1. Quel regard profond empli de tristesse et de souffrance. Mais un regard qui attire comme un aimant car si empathique et bienveillant. Tant d’intelligence et de tendresse.
    Même regard similaire chez Andrea (qui m’a tant fait pleurer), l’enfant de l’incompris de Comencini sur l’affiche du film ou chez Mars de F Zorn je présume.
    Oui.Les enfants ayant souffert "d’abandon", de manque d’affection, de tendresse ou de reconnaissance portent ce manque toute leur vie faisant le lit parfois de maux physiques, d’une grande solitude aussi.
    Je vous souhaite la plus douce des soirées.

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    1. Oui, les portraits du Fayoum (et celui-ci est un exemple parmi les plus beaux) sont saisissants de réalisme. Quand j'ai découvert celui-ci l'autre jour, j'en ai été "scotchée". Si ça vous intéresse : https://www.youtube.com/watch?v=hk5OF6YHFz0
      Par ailleurs, concernant l'idée du billet : j'ai regardé longuement cette semaine la photographie d'une jeune femme que je ne connais pas en vrai et dont je sentais comme une défiance émaner d'elle, je ne me sentais pas en empathie avec elle. Quand j'ai lu ce qu'elle racontait de son enfance, très différente de la mienne, je me suis dit que les rencontres, même à travers les âges, même par photographie interposée, se font par le regard. Tout passe par lui. Enfin... ce n'est qu'une supposition (mais j'y adhère).
      Belle soirée à vous! (ici : coups de tonnerre, mais superbe journée)

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  2. Quel est donc le mystère de ces portraits du Fayoum, qui portent sensiblement les mêmes regards, les mêmes bouches énigmatiques, et qui nous regardent de face. Veulent-ils nous dire quelque chose ? Alors qu'ils sont destinés à être enterrés, portraits funéraires de momies et donc à n'être vus d'aucun vivant, à n'être visibles que dans un éventuel « au-delà », « reconnus » dans un éventuel autre monde ?
    C'est peut-être pour cela qu'ils nous interpellent et que l'on s'y projette.
    Des morts viennent nous réveiller depuis un passé de plus de 20 siècles ! Parce que nous les avons exhumés ! Et que nous nous sommes autorisés à les regarder. Alors peut-être se mettent-ils à nous dire quelque chose depuis « un là-bas » que nous ignorons ?

    Et moi aussi je m'y retrouve au creux de ma propre histoire de contemporain. Comme s'il était un peu moi quelque part. Et c'est bien à un alter ego qu'on a envie de se confier.
    C'est d'autant plus fort que tes dernières phrases viennent me toucher loin. Comme si les rencontres ne pouvaient cesser de débuter indéfiniment, même avec celles et ceux que l'on connaît de longue date.
    Grand mystère de notre humanité…
    merci pour ce billet !

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    1. Ces portraits du Fayoum étaient réalisés du vivant de la personne, qui le gardait chez elle, identifié à elle, bien avant son décès. Le portrait devait la représenter le plus réalistement possible. C'est pour cela qu'ils semblent si vivants, et même s'ils ont des caractéristiques identiques, on peut tous les distinguer. On a l'impression de pouvoir entrer en dialogue avec eux. Ils semblent nous interpeler : "nous étions vivants, nous aussi". Le fait qu'on les ait retrouvés enveloppés dans les bandelettes d'une momie les fait revêtir une charge émotionnelle d'autant plus forte.
      Que trouvons-nous dans le dialogue qui s'engage avec eux ? Notre image d'êtres humains, par-delà la question des époques, des territoires, des croyances. On y trouve, selon moi, le reflet de notre humanité.
      Merci pour ton précieux commentaire. Passe une belle soirée.

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