dimanche 18 juillet 2021

Habiter : dans son jus

 

Depuis le temps que, me dirigeant vers le musée, je passais devant, l'idée d'y séjourner m'avait plusieurs fois titillée... il aura fallu cet été un brin chamboulé pour qu'on nous propose un séjour entre deux arrivées. L'hôtel était encore plus stupéfiant que je l'imaginais : tellement démodé, suranné, désuet, vieille France et bonnes manières que davantage ne pourrait se concevoir. Extravaguant à force de conformité. Bref, l'hôtel parfait. On y trouvait : d'authentiques toiles d'un peintre extrêmement prolifique du siècle dernier; et puis, suspendues à un petit crochet, dans la salle de bain, des languettes de papier pour lustrer les souliers; des chambres qui ressemblaient à des boîtes de calissons, bleu ciel, rouge et rose bonbon; des petits-déjeuners avec timbales en argent et Mozart en toile de fond; un escalier carré pour monter et un escalier pour descendre en colimaçon; une niche de réception envahie de papiers comme au temps du fax et du minitel. Bref, un hôtel ancien modèle.


Dans les couloirs, on croisait de vieilles octogénaires et de jeunes reporters, des touristes qui trouvaient l'endroit malcommode et ampoulé et des chiens comme le nôtre parfaitement stylés (hum...), des voyageurs allemands qui ne frayaient pas avec n'importe qui et des dames passablement distinguées portant tailleur et mise en plis.

 
Il arrivait, rentrant le soir, de voir notre hôtesse servir un verre de liqueur à des amis dans la salle à manger. Quand nous l'avons remerciée en partant, elle nous a cité parmi ses habitués un académicien grand chouchou des médias, des journalistes en charge de pages culturelles et un ancien ministre  définitivement évincé par la Macronie. Puis, alors qu'un couple d'Américains tout juste débarqués de  Nouvelle-Angleterre exigeaient de connaître le code Wifi, elle les a fermement priés de patienter pour aller servir à un monsieur mélomane son café, dans une élégante cafetière en style Liberty.
 
En pleine mondialisation, alors que tout finit par se ressembler un peu partout, voitures, maisons, décorations, le petit hôtel avait su préserver sa distinction et ses relents de bonne éducation. En prenant congé, on ne pouvait s'empêcher de pousser un profond soupir de regret, car l'hôtel si discrètement phénoménal était affreusement difficile à quitter...



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