samedi 24 juillet 2021

Vivre : le pouvoir des notes

 
Courtisan ua chapeau de fourrure rouge (détail) / Andrea del Brescianino / Coll. Bemberg / Toulouse
 
Il y a toujours quelqu'un - parfois plusieurs personnes, mais souvent juste quelqu'un - qui se retrouve kidnappé devant une voix, des paroles, une musique l'entraînant au centre de lui-même, dans un univers perdu depuis trop longtemps et qu'il ne veut plus lâcher. Les musiciens de rue connaissaient ce phénomène : un homme, une femme, un enfant restent scotchés, écoutent, fascinés. Et rien n'y fait : ni leur entourage qui s'impatiente, qui les invite à continuer, qui leur rappelle leur retard, l'heure qui tourne. Rien n'y fait, ils n'en ont cure : ils viennent de se retrouver. Plus exactement : ils viennent de retrouver une part d'eux-mêmes à laquelle ils se doivent d'obéir impérativement. Ils écoutent envoûtés. Ils constituent un public à eux tous seuls.
L'homme - qui paraissait effarant de banalité, le touriste au T-shirt noir, avec un sac à dos comportant un logo pour une boisson vitaminée - ne lâchait pas la fille des yeux ni des oreilles. Sa femme et son adolescente lui ont glissé tout bas qu'elles restaient dans la rue faire un peu de lèche-vitrine, puis sont revenues, mais il s'est refusé à les suivre. Il écoutait la fille, avec son groupe (une jeune violoniste choriste, un cymbalum et un violoncelle).
La chanteuse généreuse enchaînait les morceaux. A un certain moment, après l'avoir applaudie à s'en brûler les doigts, il a fallu se détourner. Mais se détournant on constata que l'homme banal pas si banal était toujours là.




2 commentaires:

  1. Ce que tu évoques : de merveilleux kidnappings consentis ! J'en suis ! Les musiciens de rue (bons ou mauvais) me fascinent. Je suis excellent public ! De plus, l'avantage du fauteuil roulant, je peux rester des heures sans fatigue ! Pour le peu qui y ait à boire à proximité, me voilà installé. Ma dulcinée n'a pas la même appétence, et me tanne de rouler vers là où on doit se rendre… mais rien n'y fait… ou alors je veux bien céder, mais après de très longs quarts d'heure !
    — Ben moi, j'y vais !…
    Je finis par suivre parce que… ce que femme veut… Dieu le veut !… ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce que tu décris, c'est exactement ça, ce rapt de soi que provoque la musique, et puis cette proximité avec les musiciens ou les chanteurs, parfois mauvais, mais parfois aussi terriblement doués et qui pourraient un jour percer, mais qui, en attendant, font plaisir à voir et à écouter.
      Quand l'autre n'a pas la même sensibilité, alors, oui, quelques tiraillements sont à prévoir!
      Belle soirée à toi!

      Supprimer