mercredi 28 juillet 2021

Vivre : tous égo

 
Portrait de jeune homme / Lorenzo Lotto / Accademia / Venezia
 
Après avoir reçu leur seconde dose de vaccin, nombreux ont été les gens reconnaissants d'avoir bénéficié de cette mesure de prévention (gratuite, en plus). Considérant ce qui se passait dans le monde, où des milliards de personnes luttaient, se démenaient dans une misère encore plus noire qu'à l'accoutumée, se retrouvaient dans l'impossibilité de se protéger, n'avaient pas accès à des soins adéquats, ou voyaient des proches mourir sans possibilité de les enterrer dignement, il y avait effectivement de quoi se sentir privilégiés.
D'instinct, j'avais désiré offrir une contrepartie, un certain nombre de doses de vaccin destinées à ces pays du Sud. Cela s'était révélé difficile, voire impossible : les vaccinations dépendant des gouvernements, de leur gestion plus ou moins adéquate de la crise, il n'était pas envisageable d'apporter une aide directe par ce biais. Ne souhaitant pas favoriser quelque système corrompu, j'avais finalement répondu à l'appel d'une organisation nationale distribuant des kits de protection, masques et gel, dans divers pays dits "émergents". C'était mieux que rien, me disais-je.
 
J'ai avalé de travers mon café ce matin en parcourant le journal : il est question en Suisse  de pousser les indécis à se faire vacciner en leur octroyant de l'argent. Certains sont arrivés à projeter d'indemniser les citoyens pour qu'ils daignent faire preuve d'un peu de sens civique (à distinguer : celui ou celle qui, ayant réfléchi à la question, estime en toute honnêteté que le vaccin n'est pas la solution et choisit de s'abstenir, une logique difficile à comprendre, devant toutefois être prise en compte). 
Mais, accorder une rétribution pour accomplir un acte de solidarité gratuite et préventive, cela ne relèverait-il pas d'une pure aberration ? Ce n'est pas l'avis du Président de la Commission d’Éthique d'un canton voisin, qui trouve tout à fait naturel d'utiliser ce moyen pour convaincre les indécis. La marchandisation ayant tout envahi, les actes solidaires devraient donc être monnayés ? Pourquoi n'imaginerait-on pas aussi, tant qu'à faire, des indemnisations pour consentir à aller voter, accepter de scolariser ses enfants, daigner porter secours à une personne accidentée ?
La crise du Covid, on le réalise tous les jours, ne fait qu'amplifier les problèmes préexistants. Aldo Naouri mettait en garde il y a quelques années contre des éducations susceptibles de voir émerger des générations d'enfants tyranniques et désorientés. Faut-il s'étonner de voir se profiler des politiques destinées à des tranches d'adultes gâtés et surprotégés ?


2 commentaires:

  1. Bien que je ne boive que du thé, je m'étrangle autant que toi avec ton café, à l'idée que l'on monnaye ce qui devrait être générosité et/ou acte citoyen de solidarité. J'ai constaté que d'autres pays ou localités ont proposé des « avantages » de toutes sortes pour aller se faire vacciner…
    Dans le même ordre d'idées, j'ai vu une publicité pour un site Internet qui invite à vendre les vêtements que l'on ne porte plus. Il fut un temps où on donnait ses vêtements dont on n'avait plus l'usage à des associations de bienfaisances, ou de collecte pour récupération et réemploi des tissus autrement.
    À présent on instille dans les esprits qu'il faut faire commerce avec tout, toujours et partout. « Vendez et gagnez de l'argent » proclame le slogan, comme le nouveau paradigme incontournable.
    Lamentable !

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    1. Lamentable, oui... Heureusement qu'on voit aussi des exemples de solidarité et d'efforts pour raffermir le lien social, sinon il y aurait vraiment de quoi pleurer...
      Tout devient marchandise, susceptible de générer du profit. On pourrait imaginer que les gens qui se décident au vaccin pour de l'argent sont les plus démunis, mais c'est peu probable, il y a de fortes chances que cet argent parte en fumée ou en biens de consommation... ça me fait penser au sens de l'hospitalité, qu'on trouve davantage dans les pays pauvres que dans nos sociétés occidentales... brr!
      cela dit, toute belle fin de journée à toi.

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