Et toujours nous aurons le choix de répondre au manque par le déni et la violence ou par l'effort d'une langue qui s'invente des chemins de parole buissonnière, de paroles à habiter, comme des projets ou des maisons.
A lancer, comme des bateaux ou comme des ponts.
Des mots à mettre au bout des mains, comme des outils, des caresses ou des lanternes.
Pour faire un peu de lumière dans sa propre obscurité. Un peu de paix.
Et rassembler les morceaux éparpillés de notre part commune en dessinant quelque chose qui vaille.
Quelque chose qui ressemblerait à la vie désirable que vantent les poèmes.
A vingt-ans je me souviens avoir confié à une femme rencontrée dans un train entre Milan et Genève : "Je ne pourrais jamais vivre sans poésie". Je me délectais à lire, tout comme j'aspirais à trouver dans l'écriture de quoi survivre jusqu'au lendemain.
Et puis, la vie passe. Elle devient active. On élève des enfants. On construit. On planifie. On fait face. On assure et on se rassure. Oui. La vie va de l'avant et elle a besoin de mots bien concrets pour avancer.
Heureusement, il y a ces moments où l'on boucle la boucle, où l'on renoue avec des parties de soi. Ces derniers temps, accompagnée par les mots du poète toulousain disparu, j'ai retrouvé le temps des lectures. Certains jours, un seul vers me suffisait, tel celui-ci :
Et l'inconnu partout qui nous parle de nous.
Alors, d'autres vers encore, surgis de l'enfance, devoirs scolaires, Hugo, Rostand, Apollinaire, sont remontés à la surface. Et, à leur suite, certaines strophes italiennes de mon adolescence, chantées par Dalla, De Andrè et De Gregori. Droite dans mes bottes, sur les tapis humides de la cariçaie, je suis allée récolter des images et des sensations, prêtant attention aux intenses mouvements de ma mémoire, le chien sur mes talons, plus ou moins fidèle compagnon. J'avançais dans la nature sauvage, avec les bribes et les rimes qui s'égrainaient dans les feuillages.
Oui, les mots nous manquent pour tout dire, le miraculeux et le terrible. Et pourtant, des mots sont là, qui persistent, qui nous accompagnent, qui nous guident, parfois à notre insu. Ils sont indispensables, ces mots, et heureusement qu'on les a.
Extraits de : Les mots nous manquent // Michel Baglin // Ed. Rhubarbe // 2019 // p. 93 et 22
Lorsque les mots me manquent,
RépondreSupprimerje les cherche, je les sens,
je les respire,
dans la couleur du ciel,
dans le voyage des nuages,
dans le souffle du vent sur l’eau frissonnante.
Car le ciel
écrit ses mots
sur ses pages couleurs.
Les nuages
les transportent
dans leurs bagages.
Le vent
les écrit en caresse
sur le frisson de l’eau
Lorsque les mots me manquent,
j’écoute,
le chant de la terre.
:-)
Merci, Pascal. Qu'ajouter à un si beau poème ? à une si noble invite à être et à voir ? je me tais...
RépondreSupprimerCoucou. Les mots...Depuis toute petite, je lis, ou plutôt je dévore. Et sans ces lectures, sans les mots que j'écris parfois, je crois bien que j'aurais une petite boule, voire une grosse, en travers de la gorge. Les mots sont un exutoire, bien souvent. Mais parfois aussi, lorsque les mots manquent, le silence parle. Bises alpines de fin de journée, c'est l'heure bleue.
RépondreSupprimerLe pouvoir thérapeutique des mots. Leur pouvoir de libération. Leur pouvoir de guérison (et n'oublions pas aussi leur pouvoir de meurtrissure). Que ferait-on sans les mots ? Je crois que le poète Michel Baglin soulevait une contradiction : tout en disant qu'il n'y avait pas de mots pour certaines réalités extrêmes, il écrivait une ode à leurs effets puissants.
RépondreSupprimerTu es une grande lectrice, chère Dédé, et tu m'as donné envie l'autre jour de plonger dans l'œuvre de Yourcenar. Je t'imagine concentrée, exigeante, mettant toute ton intelligence et ton imagination en dévorant les pages.
Tu dis : quand les mots manquent, le silence parle. Oui. Mais aussi : Quand les mots manquent, il arrive aussi que le corps parle. Et de la pire des façons. Vive les mots donc ! Quel bonheur de les avoir à disposition! Passe une douce soirée au cœur de ta belle histoire, avec ou sans paroles.
Tu vas rire. Tu sais ce que je lis actuellement pour me détendre et me changer les idées... Harry Potter! :-))
SupprimerHarry Potter ! Imagine que je l'avais ramené de Paris à ZB quand il avait 9 ans (je pense que j'étais tombée sur les premiers ex. traduits) et nous le lisions le soir avec délice, alors que ce n'était pas encore devenu un phénomène, un film, une mode. C'était une si belle découverte! Quand je pense que je n'y ai plus plongé depuis! Belle lecture,alors, chère Dédé, je te laisse en excellente compagnie!
SupprimerComme ton formulaire de contact ne fonctionne pas...
RépondreSupprimerPour des voyages photographiques, immobiles et sans appareil photo ;-)
http://espiguettesuite.canalblog.com/archives/2019/11/15/37781649.html
Et du coup j'ai fais un peu de tourisme sur les bords du lac avec gogole street
:-)
Je suis allée chez E. dernièrement. Son dernier post est une découverte. Hodasava fait un travail intéressant, parfois poétique, parfois déjanté. On se sent juste à côté de la réalité et on comprend mal à quoi cela tient, avant d'avoir la clef du mystère.
SupprimerJ'ai commenté chez E.sur des photos précédentes, dont j'avais apprécié l'aspect épuré. Je trouve qu'elle a un langage personnel. On sent aussi un grand travail derrière cet aboutissement.
Le formulaire de contact... depuis une semaine blogger me confirme qu'ils ont un problème : j'attends. Belle soirée!
Se parler pour rester en équilibre. Les mots cachés ou tus sont une prison.
RépondreSupprimerParler, se parler, écrire, se dire, s'exprimer. Oui, tout cela est nécessaire à l'équilibre. Bonne soirée.
SupprimerAu sujet de tes photos :
RépondreSupprimerJe suis toujours attiré,
par ces infinis,
qu‘ils soient bleus ou gris.
Ces vues sans limites nous ouvrent l’esprit,
placent notre vie sur le fil de l’horizon,
que la terre nous indique du bout de son doigt.
Laissons nous prendre,
par l’espace et cette lumière qui lui donne vie,
par cette simplicité, essentielle et vitale.
Bercé,
par la douceur de l’instant,
respirons la Vie.
:-)
Très beau commentaire. Oui, tu as raison, ces vues nous ouvrent l'esprit. Ce flou, cette imprécision dans les lignes apporte à l'œil et à l'âme un grand apaisement, et par là-même une grande ouverture. La beauté est là. Elle se laisse capter par un simple LG et impossible de rester longtemps stressé face à de telles vues.
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